Article original rédigé par Maxime GOEPP et Benjamin SAINTAMON
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Turquie, province de Hatay, à environ 30 km au nord de Antakya (Antioche), village de Ötençay.
Contrôlant au sud l'accès au col de Belen(1), cette forteresse était, à l'époque des Croisades, d'une importance primordiale pour la défense de la Principauté d'Antioche.
Connue alors sous le nom de Gaston ou Gastin - venant du greco-romain Castron ; aujourd'hui Baghras -, elle passa sous contrôle franc dans les années 1150, sans que l'on sache précisément les circonstances de sa prise.
Ce qui est avéré, c'est qu'en 1154, les frères du Temple y tenaient garnison, puisque certaines chroniques relatent comment un contingent de Templiers de Gaston a surpris et anéanti une troupe venant d'Anatolie et lancée par le Sultan Mas'ûd(2) dans le défilé de la Portelle(3) pour ravager la principauté d'Antioch.
Vers 1170, le château fut enlevé aux Templiers par Mleh, renégat de l'Ordre et futur roi d'Arménie, passé à la solde de Nur al-Din(4).
A sa mort, en 1175, ses anciens "frères" réinvestirent leur citadelle. Treize ans plus tard, le 26 septembre 1188, le sultan Saladin(5) s'en empara, avant de la démanteler à l'annonce effrayante de l'arrivée prochaine des contingents de Frédéric Barberousse.
Ce fut le chevalier Foulques de Bouillon(6) qui reprit possession de la citadelle pour le compte de son cousin, Levon II d'Arménie. Ce dernier s'y établit en 1191 et y opéra d'importants travaux de remise en état.
Malgré les incessantes réclamations des Templiers et les interventions répétées du Pape, le souverain arménien ne consenti à rendre Gaston à ses propriétaires légitimes qu'en 1216, lesquels ne jugèrent guère bon de la défendre face aux armées de Baïbars(7) qui venaient d'écraser Antioche, et préférèrent l'abandonner après y avoir mis de feu(8).
La citadelle se dresse sur un piton rocheux aux flancs escarpés, plus particulièrement sur le coté ouest, si bien que les défenses ont été surtout établies sur les autres fronts.
Du coté oriental, par lequel se faisait l'accès, se trouvent deux enceintes dominées par un imposant donjon rectangulaire, le tout construit en petit appareil.
Dans la cour, se trouvent la grand' salle, et les vestiges de la chapelle castrale, encore bien conservés.
Entre la chapelle et la grand' salle, on remarquera la présence de chambres souterraines, soutenues par d'énormes piliers. Ces chambres additionnées aux nombreux corps de logements sur le reste du site, permettent de conclure que la place pouvait entretenir une importante garnison.
A noter également au sud ouest du site la présence d'un aqueduc en partie conservé, qui reliait la forteresse à la montagne où jaillissaient plusieurs sources. Au pied de la forteresse, sourd une petite mais fameuse source connue sous le nom de fontaine de Gastin...
(1)Le Col de Belen est aussi connu sous le nom de "Pyles Syriennes". Ce col est situé au sud de la chaîne montagneuse de Nur (connue aussi sous le nom de Monts d'Amanos ou Amanus). Le col est situé à environ 15 km au nord-ouest de la forteresse de Baghras.
(2)Rukn ad-Dîn Mas`ûd ben Qilij Arslân, ou Mas`ûd 1er est un sultan de Roum de la dynastie des Seldjoukides. Il est né à la fin du 11ème siècle. Il est le troisième fils du sultan Qilij Arslan 1er. Il succède à son frère Malik Shah 1er en 1116. Il meurt en 1156 et est inhumé à Iconium (Konya).
(3)Le "Pas de la Portelle" était un étroit défilé situé juste au sud de la ville actuelle de Payas (Baïesses), entre la méditerranée et les contreforts de la chaine montagneuse de l'Amanus. A l'époque des Croisades, cet endroit marquait la frontière entre le royaume de Cilicie et la principauté d’Antioche et était un passage obligé pour les armées venant d'Asie Mineure pour envahir la Syrie.
(4)Nour ad-Din Mahmûd el Mâlik al Adil, Nur al-Din ou Nûreddîn est émir d'Alep et de Damas. Il est né vers 1115 - 1117 et mort en 1174. Il est est le deuxième enfant de Imad ad-Din Zengi, le fondateur de la dynastie des Zengides. Nur ad-Din devient émir d'Alep en 1146 à la mort de son père. Il combat sans cesse les francs, surtout dans le territoire du Comté d'Edesse. Lors de la Deuxième Croisade, c'est l'annonce de l'arrivée de son armée qui oblige les Croisés à abandonner le siège de Damas. Son désir est de poursuivre le projet de son père, l'unification des territoires musulmans entre Egypte, Syrie et Mer Noire. Ses manœuvres politiques et ses démonstrations de force le rendent maître de Damas en 1154. Pendant la décennie qui suit, ce ne sont que victoires et défaites contre les armées chrétiennes. En ce qui concerne l'Egypte, il doit composer avec les armées du roi de Jérusalem Amaury 1er et avec le pouvoir local. Il enverra d'abord Shirkuh pour tenter de prendre le contrôle du Caire, avant que Saladin ne s'empare du pouvoir. Il meurt de la fièvre en 1174.
(5)Saladin ou Salah ad-Din Yusuf est le fondateur de la dynastie Ayyoubide. Il est né à Tikrit (actuellement en Irak) en 1138 et mort à Damas le 4 mars 1193. Il a régné sur l'Égypte (1171) et sur la Syrie (1174) à sa mort en 1193. Il est le fils de Najm ad-Din Ayyub (Al-Malik al-Afdal Najm ad-Din Ayyub ibn Shadhi ibn Marawan), un officier kurde au service des émirs de la dynastie des Zengides. En 1167, il accompagne son oncle Shirkuh en Egypte, à la demande de l'émir Nur al-Din. En 1169, il se fait reconnaître comme homme de confiance d'Al Hadid, le calife Fatimide du Caire, et en 1171, à la mort de ce dernier, il s'empare du pouvoir et monte sur le trône d'Egypte. A la mort de Nur al-Din en 1174, il se rend à Damas où il est accueilli en triomphateur. Il doit cependant combattre les gouverneurs restés fidèles aux Zengides. En 1183, il parviendra à prendre aussi le contrôle d'Alep. Au cours de son règne, Saladin devra aussi combattre les francs à de nombreuses reprises, d'abord sous le règne d'Amaury 1er, ensuite sous celui de Baudouin IV et enfin celui de Guy de Lusignan. Il remportera une importante victoire lors de la bataille des Cornes de Hâttin en 1187, avant de s'emparer de Jérusalem et d'affronter les armées de la 3ème Croisade, commandés par Philippe II "Auguste" et Richard Ier "Coeur de Lion". En juillet 1191, il ne peut empêcher les Croisés de s'emparer de Saint-Jean d'Acre. En septembre 1191, il subit aussi une défaite lors de la bataille d'Arsouf. En 1192, il signera un traité de paix avec Richard Ier "Coeur de Lion". Il meurt au début du mois de mars 1193 à Damas.
(6)On ne connaît que peu de choses à propos de ce chevalier. La seule chose qu'on sache est qu'il était lié à la famille du Roi d'Arménie Levon II. Il est possible qu'il fasse partie de la parentèle de la première femme de ce dernier, une certaine Isabelle, elle-même nièce de Sybille, troisième femme de Bohémond III d'Antioche.
(7)Al-Malik az-Zâhir Rukn ad-Dîn Baybars al-Bunduqdari, plus connu sous le nom de Baybars ou Baïbars. Il est né le 19 juillet 1223 au nord de la Mer Noire dans le territoire du Kiptchak (sans doute dans l'actuelle Crimée) et décédé le 1er juillet 1277 à Damas. Il est un sultan mamelouk d'Égypte de la dynastie des bahrite qui régna de 1260 à 1277. Vers 1240, il est vendu comme esclave et envoyé en Egypte. Il est intégré dans la milice mamelouke et entre au service du sultan Ayyoubide As-Sâlih Ayyûb comme garde du corps. En 1250, il participe activement au renversement de la dynastie Ayyoubide du Caire. En 1260, il remporte une importante victoire contre les Mongols à Aïn Djalout. De retour au Caire, il renverse le sultan Sayf ad-Dîn Qutuz,et se proclame sultan. Par la suite , son objectif principal est la destruction de de qui reste des États croisés. Il s'empare de Césarée le 27 février 1261. Au cours des années suivantes, il parvient à s'emparer de plusieurs forteresses importantes : Safed (25 juillet 1266), Jaffa (7 mars 1268), Antioche (18 mai 1268) et enfin de "l'imprenable" krak des Chevaliers le 8 février 1271. Il meurt peut-être empoisonné, à Damas en 1277.
(8)Voir cet article sur la reddition du château de Baghras.