Détails des pénalités
La perte de la maison
544. La première chose pour laquelle un frère perd la maison pour toujours est la simonie, car un frère qui est venu à la maison par simonie ne peut sauver son âme et a perdu la maison ; et celui qui le reçoit perd son habit. Car la simonie se fait par don ou par promesse que l'on fait au frère du Temple ou à un autre homme pour qu'il puisse l'aider à venir à la maison.
545. Il advint au temps du Maître frère Armand de Périgord qu'il y avait des prud'hommes qui reprirent leur conscience et demandèrent conseil aux sages, et trouvèrent qu'ils étaient venus par simonie. Ils furent d'un grand malaise de coeur, et vinrent devant le Maître frère Armand de Périgord et le lui dirent avec de grandes larmes et une grande tristesse de coeur et lui découvrirent tout leur fait. Et ledit Maître fut d'un grand malaise, car ils étaient prud'hommes et de bonne vie et de nette et bonne religion. Et ledit Maître réunit son conseil privé, composé des vieux hommes et des plus sages de la maison et ceux qui en savaient le plus sur ce fait ; et il leur commanda en vertu de l'obéissance de ne parler à personne de ce fait et de le conseiller en bonne foi et pour le profit de la maison.
546. Et ils le conseillèrent de cette manière. Ils regardèrent que les prud'hommes étaient si sages et de si bonne vie qu'il serait d'un grand dommage et d'un grand scandale pour la maison s'ils perdaient la maison. Et ils ne voulurent pas mener les choses trop tôt, et envoyèrent un frère à Rome voir le pape pour lui raconter le fait et il le supplia d'envoyer son pouvoir à l'archevêque de Césarée qui était un ami de la maison. Le pape le fit volontiers et lui envoya les lettres.
547. Et quand elles furent venues au maître, le maître prit les lettres et les envoya à l'archevêque de Césarée et il envoya aussi les dits frères qui avaient été au conseil privé du maître, et il fut fait de l'un commandeur et il lui donna le pouvoir de les faire frères par leur conseil. Ils vinrent devant l'archevêque avec les frères qui étaient à la maison par simonie et ils lui baillèrent la charte du pape ; et la charte disait qu'il absolve les dits frères de la manière que l'on doit absoudre de simonie. Et après les frères se conseillèrent et il leur dit qu'il convenait de leur laisser leur habit.
548. Ils rendirent l'habit à celui qui était leur commandeur. Et il le prit, l'archevêque les absous et ledit commandeur et lesdits frères qui étaient en sa compagnie entrèrent dans une chambre et tinrent chapitre. Là vinrent les frères qui avaient laissé leur habit et requirent pour Dieu et pour Notre Dame la compagnie de la maison ; le commandeur les mit dehors et demanda aux frères leur avis, et ils s'accordèrent à la prière de l'archevêque qui les en avait priés, et à la requête des frères. Et ils les firent frères à nouveau comme s'ils n'avaient jamais été frères.
549. Et ces choses furent faites parce qu'ils avaient été frères de la maison avec une grande piété et qu'ils étaient sages et prud'hommes, et de bonne et religieuse vie ; et l'un d'eux fut maître du Temple . Et ces choses je les ai entendues racontées par les prud'hommes qui furent en ce temps, car je ne le sais que par eux. Et si les frères avaient été de mauvais comportement, il ne leur aurait pas été fait cette bonté. Et cela même advint auprès d'un prud'homme de la maison à cause de sa bonté.
550. La seconde est si un frère découvre son chapitre à un frère du Temple et à un autre qui n'ait été dans le même chapitre. Mais si une faute est regardée en chapitre, il peut bien la raconter mais qu'aucun frère ne soit nommé ; car s'il nommait celui qui aurait demandé merci ou celui qui regarderait la faute, il en perdrait la maison , mais si le frère est mort ou avait perdu la maison, il pourrait bien le raconter et le nommer sans avoir de dommage. Et aussi quand les baillis se font par chapitre, ils ne doivent pas raconter sur lequel un tel et un tel s'est accordé, car se serait découvrir le chapitre et une grande haine pourrait surgir.
551. Aussi lorsqu'ils sont au conseil du maître, ils doivent garder pour eux quand ils font un bailli ; mais si l'on entend qu'un prud'homme fait une assignation en chapitre, on pourrait bien le nommer, mais sans qu'il touche une faute d'un frère qui est à la maison. Mais si une nouveauté se faisait en chapitre et que le maître le sache d'une manière, le maître pourrait dire en chapitre :"J'ai entendu qu'une nouveauté a été faite, et je recommande que ces choses viennent avant". Et il peut le dire de cette manière ; mais le maître ne peut commander hors du chapitre de dire une chose qui soit faite par chapitre, mais il peut le commander par chapitre, et l'autre peut dire alors si une nouveauté a été faite.
552. Car il advint à Château-Pèlerin que frère Pierre de Montaigu qui était maître mit des frères en pénitence et puis s'en alla à Acre. Et les frères du château les levèrent de terre ; et quand le maître le sut, il tourna en arrière, et tint chapitre, et il reprit tous les frères qui s'étaient mis d'accord de lever les frères de terre et il leur fut regardé une grande faute parce qu'ils n'avaient pas le pouvoir de les lever, car le maître les avait mis.
553. La troisième est si un frère tue un chrétien ou une chrétienne il en perd la maison.
554. Car il advint à Antioche qu'un frère qui avait nom Paris et deux autres frères qui étaient en sa compagnie, firent tuer des marchands chrétiens ; la chose fut apprise par les autres et on leur demanda pourquoi ils avaient fait cette chose, et ils répondirent que c'est le péché qui leur fit faire cette chose. Et le commandeur leur fit crier merci, et ils furent mis en répit ; et la faute vint par devant le chapitre, et il leur fut ordonné de perdre la maison et qu'ils fussent fouettés à travers Antioche, à Tyr, à Sidon et à Acre. Ils furent fouettés ainsi et criaient :"Voyez ici la justice que prend la maison envers ces mauvais hommes". Et ils furent mis en prison perpétuelle à Château-Pèlerin, et là ils moururent. Et puis il advint à Acre, à un autre frère, un même fait semblable.
555. La quatrième est le larcin qui est entendu de plusieurs manières : on tient pour larcin celui qui dérobe ou celui qui sort d'un château ou d'une maison fermée, de nuit ou de jour, par autre part que par la porte qui est ouverte, qu'il ne daigne sortir ni par dessous ni par dessus. Ou celui qui déroberait les clés ou ferait de fausses clés pour ouvrir la porte, il lui serait compté comme larcin ; car nul frère ne doit ouvrir la porte sinon comme il est d'usage dans la maison. Et si un commandeur demande à un frère sergent qui est en son commandement, qu'il lui montre les choses qui sont en son pouvoir et par son commandement, le frère doit toutes les lui montrer là où elles sont, et s'il ne le faisait pas et retint la somme de quatre deniers en plus, il en perdrait la maison.
556. Car il advint à Château-Blanc qu'un frère qui était à la bergerie, que son commandeur lui dit de lui montrer toutes les choses qu'il avait en son commandement, et le frère lui montra tout sauf une jarre de beurre et dit qu'il n'avait plus rien. Et son commandeur sut que la jarre était là et il reprit le frère. Et le frère ne peut le nier, mais il l'octroya ; et il perdit la maison.
557. Si un frère par colère et par courroux laisse la maison et emporte des choses qu'il ne doit pas emporter, il en perd la maison car c'est un larcin. Et que tous les frères du Temple sachent que lorsqu'ils laissent la maison, ils ne doivent pas emporter une chose en double. Et qu'ils ne doivent emporter ni or, ni argent, ni emmener une bête, ni aucune arme : c'est à savoir un chapeau de fer, un haubert, des chausses de fer, une arbalète, une épée, un couteau d'arme, un jupon d'arme, des espalières, une masse, une lance, des armes turques. Et brièvement qu'ils ne prennent aucune chose qui affaire aux armes et qu'il l'emporte car ils en perdraient la maison.
558. Ce sont les choses qu'ils peuvent emporter. C'est à savoir une cotte et une guarnache à pan, un jupon de vêtir, une chemise, des braies, des chausses, des souliers ou les housses sans les souliers, un chapeau de coton, la coiffe, une ceinture, et un couteau pour trancher le pain ; et toutes ces choses sont à entendre telles qu'il en est vêtu pour primes : Et il peut porter un manteau ou la chape, mais s'il lui est demandé il doit le rendre, et s'il le retient, il perd la maison ; et s'il ne lui était pas demandé, il doit le rendre après, car s'il le retenait deux nuits au plus, qu'il lui soit demandé ou non, il en perd la maison. Car ce mauvais frère qui laisse la maison et en porte l'habit, le porterait même dans les tavernes et dans les bordels et dans les mauvais lieux, et ils pourraient les mettre en gage et pourraient les vendre à de mauvaises personnes, dont la maison aurait grande honte, grande vergogne et grand scandale : et pour cela le couvent et les prud'hommes de la maison établirent que le manteau valait plus que les souliers, ou le couteau d'arme ou une masse, car pour chacune de ces choses celui qui porterait un des habits le perdrait et il en perdrait la maison.
559. Mais pour cela qu'ils ne cassent pas le premier établissement car celui qui dormirait deux nuits dehors comme il est dit ci-dessus qu'il puisse recouvrer son habit après un an et un jour. Donc, celui qui examine, s'il vient après la prime et envoie le manteau, qu'il perde la maison, car il va contre le premier établissement celui que personne ne peut déchoir si le couvent ne l'enlève ; et aussi ceux qui le disent après un jour ou après vêpres. Mais si notre conscience est telle, que celui qui tient les deux nuits et le lendemain tout le jour jusqu'à la nuit que le jour est passé à l'heure de complies, s'il revenait ou envoyait son manteau, on pourrait aussitôt lui ordonner de perdre la maison ; car aussitôt on peut lui dire qu'il l'a retenu, outre les deux nuits, un jour entier. Et la conscience pourrait se sauver et ne saurait briser les premiers établissements ; mais parce que cette faute ne fut jamais bien éclaircie, chacun doit faire selon sa conscience. Et je n'ai pas dit la nôtre, mais je ne me charge pas d'autre assentiment car je ne l'entends pas faire clairement, mais j'ai bien entendu raconter par les vieux hommes de la maison ce que j'ai dit dessus ; mais chacun doit sauver sa conscience.
560. Il advint qu'un qui avait pour nom frère Hugues laissa la maison d'Acre, et rendit toutes les choses qu'il devait rendre, sauf le manteau qu'il retint deux nuits et l'envoya le jour après. Peu de temps après il se repentit et vint crier merci à la porte ainsi qu'il est établi à la maison, et les frères lui ordonnèrent de perdre la maison. Et des frères dirent qu'il n'était pas de raison que pour le manteau il perdit la maison, s'il ne l'avait pas retenu plus qu'il ne l'avait retenu, mais de cela ils ne dirent certainement pas combien de temps il pouvait le tenir. Et un qui a fait une faute, dont on ne sait certainement pas à quelle heure il l'avait rendu : et pour cela la plus grande partie s'accorda, parce qu'il l'avait tenu plus qu'il ne devait et que les deux nuits étaient passées, et qu'ils ne savaient à quelle heure il l'avait rendu, il ne pouvait retourner à la maison. Et sachez que ceux qui ordonnèrent et maintinrent cela s'en sont maintes fois repentis de ce qu'ils regardèrent. Et si une nouveauté se fait, pour cela il n'est pas de statuts que l'on doit tenir, et on ne doit pas le maintenir ; mais si le maître et le couvent établissent la chose, cela doit être tenu.
561. Il advint qu'un frère laissa la maison à Château-Pèlerin et rendit tout son équipement et qu'après il vint crier merci à la porte ; et au maître il fit sa demande. Il y a des frères qui disent qu'il avait retenu plusieurs choses et qu'ils le savent bien, et parce qu'elles ne furent trouvées, il en perdit la maison. Et un frère est cru de tous les frères dessus, quand il laisse la maison, quand il dit qu'il a perdu son équipement par la faute du frère qui a laissé la maison.
562. Il advint qu'un frère laissa la maison à BlancheGarde et s'en alla au Crac. En chemin il perdit un arc qu'il portait ; un sergent le trouva et le rendit à son commandeur ; et le frère dit que quand il s'en alla, il avait laissé une épée à sa place, et le commandeur ne la trouva pas , puis il retourna aux frères et cria merci et il fut mis en répit par devant le maître et le couvent, et il vint par devant le chapitre général et cria merci. Et les frères ordonnèrent que pour l'épée qui était perdue à la maison et pour l'arc qui était perdu, car la maison ne l'avait pas recouvrée par lui, pour chacune de ces choses il fut ordonné qu'il perde la maison.
563. Il advint qu'un frère chapelain venait de Tripoli par mer et une maladie le prit, et de cela il mourut avant d'arriver à Beyrouth ; et le commandeur sur qui était le port, l'alla chercher et le fit enterrer. Et le commandeur prit ses vieux vêtements et l'en revêtit, puis il ouvrit les besaces du frère chapelain et prit les vêtements dans son lieu ; après il envoya au maître toute la robe, sauf une épée. Après on dit au frère qu'il ne pouvait pas le faire, et il était simple homme, et en cria merci devant le maître. Et parce qu'il ne savait pas les usages de la maison et l'avait fait en bonne foi, et qu'aucun dommage n'était intervenu, le maître pria les prud'hommes qu'ils l'égardent et qu'ils prissent la chose sur eux avant qu'elle aille en avant. Car s'ils la voulaient mettre en avant, le frère perdrait la maison : parce que quand un frère chapelain meurt dans les parties deça des mers, tous ses livres et ses vêtements et tous ses joyaux doivent venir en la main du maître, sauf la robe pour se vétir et pour dormir et les armures qui doivent aller là où elles doivent aller ; et s'il meurt dans les parties d'outre mer, elles doivent aller en la main du commandeur de qui il dépend. Et si un frère tient des choses dessus dites, on lui comptera le larcin.
564. Si un frère brise une clé ou une serrure qui ne soit en son commandement, et prend une chose sans le congé de celui de qui elle serait, et qu'il fut atteint qu'il a pris les choses, on pourrait lui compter comme larcin.
565. Si un frère met la main à autre besace et que le frère à qui elle est, dit qu'il a perdu ce qu'il y avait dedans, et qu'il peut atteindre qu'il a eu la main mise dans cette besace et qu'il peut prouver qu'il a perdu de cette besace ce qu'il a dit, il lui sera compté comme larcin.
566. Si un frère meurt et que l'on trouve de l'or et de l'argent dans ses besaces ou dans son équipement, et qu'il soit frère de couvent, ou qu'il l'eut mis hors de la maison ou caché sans congé de celui qui peut le donner, et qu'il ne le confessa pas à sa mort à son commandeur ou un une autre frère, il ne serait pas mis dans le cimetière, mais serait jeté dehors aux chiens ; et s'il était en terre, on le mettrait dehors et cela a été fait à plusieurs autres.
567. La cinquième est le complot ; car le complot est fait par deux frères ou plus. Et si deux frères s'accordent ensemble et frappent un frère ou le reprenaient de choses qui fut un mensonge, et qu'ils soient atteint qu'ils l'eussent fait en accord, ce serait tenu comme complot et ils perdraient la maison.
568. La sixième est si un frère laisse la maison et s'en va aux sarrasins, il perd la maison.
569. Il advint que frère Roger l'Allemand fut pris à Gardara et les sarrasins lui dirent qu'il se renia, et ils lui firent lever le doigt et crier la loi ; et il fut mis en prison avec les autres frères et cria merci devant les frères et dit qu'il ne savait pas ce que c'était qu'ils lui faisaient crier. Et il fut mis en répit devant le maître et le couvent, et quand il fut délivré il cria merci au Chapitre Général, et il perdit la maison pour cette chose.
570. Il advint à Saphet qu'un frère qui était à la grosse forge partit du château avec tout son équipement par intention de laisser la maison, et alla cette nuit-là dans un casal des Allemands qui était garni de sarrasins ; et le lendemain il s'en repentit et vint à Acre, le lendemain après prime, et il vint droit à notre maison, et au premier chapitre où il fut il cria merci de cette chose. Et les frères lui ordonnèrent de perdre l'habit, et aucun prud'homme parla de ce qu'il avait passé une nuit avec les sarrasins ; et si le casal fut au commandement des chrétiens et que le bailli fut chrétien, il eut perdu la maison.
571. La septième est si un frère était de mauvaise loi et n'était pas bien croyant en la loi de Jésus-Christ.
572. La huitième est si un frère faisait quelque chose contre nature et contre la loi de Notre Seigneur, il en perdrait la maison.
573. Il y avait à Château-Pèlerin des frères qui usaient de mauvais péchés et mangeaient de nuit en chambre ainsi que ceux qui étaient près du fait et d'autres frères qui l'avaient trop souffert, dirent cette chose au maître et à une partie des prud'hommes de la maison. Et le maître, avec le conseil, demanda que cette chose ne vint pas en chapitre, parce que le fait était trop laid, mais qu'ils fissent venir les frères à Acre , et lorsqu'ils furent venus, le maître mit un prud'homme en la chambre et les autres dans la chambre en sa compagnie où ils étaient, et il leur fit ôter l'habit et les mettre au gros fer. Et un des frères, qui avait comme nom frère Lucas, s'échappa de nuit et alla aux sarrasins. Et les autres deux furent envoyés à Château-Pèlerin, et l'un pensa s'échapper, il mourut, et l'autre demeura en prison très longtemps.
574. La neuvième est si un frère laisse le gonfanon et fuit par peur des sarrasins, il perd la maison. Et notre vieil homme dit, si des frères sont envoyés au service de la maison celui qui les envoie leur donne un commandeur des chevaliers et ne porte pas le gonfanon ; et il dit, que si un frère partait de son commandeur et qu'il s'enfuît par peur des sarrasins, il en perdrait la maison. Et un autre frère dit que s'il n'y a pas de gonfanon, et qu'il laisse son commandeur dans la bataille, c'est comme s'il laissait le gonfanon ; c'est bien pour cette raison qu'on peut lui regarder la maison.
575. Si des frères qui vont en service de la maison et qu'ils n'ont pas de commandeur, et qu'ils voient qu'ils seraient en péril des sarrasins, ils peuvent bien élire l'un d'eux comme commandeur et ils doivent lui être obéissants et se tenir près de lui au combat, comme si on leur avait donné un commandeur.
576. Car il advint que les tartares étaient dans ce pays ; et le maître envoya par conseil des prud'hommes douze frères à Jérusalem. Et quatre partirent de la ville au lieu d'y demeurer. Le maître ayant eu vent du péril dans lequel étaient les frères, envoya une charte au commandeur des chevaliers et aux autres frères pour qu'ils rejoignent Jaffa afin qu'ils ne fussent assaillis par les tartares. Le commandant des chevaliers ne voulut le faire ; les quatre frères dessus-dit vinrent au commandeur et ils lui dirent de faire ce que la charte du maître lui commandait, et il répondit qu'il ne partirait pas sans les frères de l'Hôpital qui étaient venus en sa compagnie. Et les trois frères prièrent le commandeur qu'il leur commanda par commandement qu'ils demeurassent en sa compagnie ; et le commandeur dit qu'il ne le ferait pas. Et sur ce des frères qui étaient les plus vieux hommes de la maison parmi eux tous lui firent indiquer qu'ils pouvaient bien s'en aller puisque le maître commandait qu'ils s'en aillent, et qu'ils n'eussent pas peur de la justice de la maison, car on ne pouvait pas regarder une faute de cela. Ces quatre s'en retournèrent, et quand ils furent devant le maître ils crièrent merci de cette chose par leur pleine volonté.
577. Et ils dirent qu'ils avaient perdu la maison parce qu'ils avaient laissé leur commandeur et leur gonfanon par peur des sarrasins. Et la plus grande partie d'eux dirent que la charte du maître était allée au commandeur et à tous les frères, qu'ils s'en vinrent et que le commandeur ne leur voulut faire commandement de demeurer, et pour cela, le plus vieil homme parmi tous leur avait asséné qu'il pourrait venir sans avoir le dommage de la maison. Et un de ces quatre frères dit qu'il avait congé de venir quand il voudrait, et le maître lui en porta garantie et aux autres il leur fut regardé une faute sans leur habit parce qu'ils n'avaient pas attendu leur commandeur. Et celui qui fit l'indication fut mis à un jour.
578. Si Dieu fait son commandement d'un des commandeurs de province, celui qui est mis à sa place doit prendre tout l'équipement avec le conseil d'une partie des prud'hommes de la maison qui sont là autour de lui, et sceller les besaces des sceaux des commandeurs qui seront là. Et la boule du commandeur qui sera mort sera mise dedans, car les besaces doivent être envoyées au maître, et tous les autres joyaux, et l'or et l'argent doivent être mis en la huche du commandeur et scellés tout comme les besaces, et faire savoir au maître qu'il fasse son commandement car toutes les choses dessus dites, doivent venir en la main du maître sans rien ôter. Mais les bêtes et la robe pour s'habiller et pour dormir et les armures sont en la volonté du commandeur d'en faire ce qu'il lui plaira ; et si les autres choses étaient retenues, il pourrait en perdre la maison.
579. Et s'il était Visiteur de par le maître et de par le couvent ainsi qu'ils doivent le faire, et que Dieu lui fit son commandement outre-mer, on doit aussi prendre ses besaces et leur mettre le sceau, et tous ses menus joyaux que l'on pourra y mettre, et qu'elles soient bien scellées par le sceau du commandeur et des autres commandeurs et envoyées au maître. Et toutes les autres choses, or et argent ou autre chose qui sont dans sa chapelle, tout doit être mis ensemble et tout doit être envoyé au maître en la terre d'outre-mer, et même les bêtes. Car toutes les choses qui sont là, sont du maître et du couvent, si ce n'était la robe de vêtement et celle pour dormir, qui doivent être données pour Dieu.
580. Il advint que maître Sanchez était commandeur du Portugal et mourut avant de terminer sa baillie. Celui qui fut mis en sa place prit une partie des choses qu'il avait envoyée et les donna à son escient au profit du Temple ; et le frère n'avait pas été longtemps en notre maison et ne savait pas la défense. Et quand le maître sut comment ce fut donné, il envoya chercher le frère et lui fit crier merci ; et, parce qu'il ne connaissait pas l'usage de la maison, le maître avec son conseil et une grande partie des prud'hommes de la maion ne voulurent pas mener la chose à ce qu'elle put être menée, car il ne savait spécialement les établissements de la maison.
581. Et quand Dieu fait son commandement d'un des commandeurs des provinces il ne peut mettre un frère en sa place tant qu'il est vivant. Et quand Dieu lui a fait son commandement, celui qui est mis à sa place doit l'envoyer dire au commandeur de la province et faire savoir aux frères la mort de leur commandeur ; et ils doivent venir et doivent élire l'un d'eux, celui qui leur plaira, quand ils seront assemblés en un lieu convenable où il les assignera à un jour nommé. Et celui qui est en la place du commandeur doit montrer le fait de leur commandeur à ces commandeurs et à celui qui tient lieu de grand commandeur jusqu'à ce que le maître aura fait son commandement; et celui qui sera mis à la place de commandeur doit faire savoir la mort de son commandeur et envoyer les choses comme il est dit ci-dessus.
582. Car il advint que frère Guillaume Foulques était commandeur d'Espagne et fut malade : étant en sa maladie il mit à sa place frère Adam. Et puis certains lui dirent qu'il faisait mal quand il laissait frère Raymond de Lunel ; et il dit :"De par Dieu je le laisse en ma place" et sur ce il mourut. Et quand il fut mort, frère Adam dit qu'il était en la place de commandeur et frère Raymond de Lunel dit qu'il y avait été avant lui, et sur ce sujet ils eurent une contestation. Et les frères de Castille et de Léon se tinrent avec frère Adam et ceux de Portugal avec frère Raymond de Lunel et chacun s'en alla en sa partie, et chacun tint un chapitre, et firent des baillis, et chacun usa des pouvoirs comme peut en user un frère qui est en la place de commandeur.
583. Et ils firent savoir au maître le fait tel qu'il était. Et le maître envoya un commandeur en Espagne et demanda à ces deux frères qu'ils vinssent dans ce pays ; et ils vinrent et crièrent merci de cette chose devant le maître et le couvent. Et le maître et le couvent virent que les deux frères avaient perdu la maison, et ils les mirent en répit parce qu'ils étaient deux prud'hommes de bonne vie et de bonne religion et que la chose était nouvelle. Après il advint que la bataille devait se faire à Gardara entre les chrétiens et les sarrasins, et nos gens étaient à Escalon. Et le maître assembla les frères après matines et leur demanda qu'ils prennent sur eux le fait de ces deux prud'hommes ; et ils le firent volontiers et leur pardonnèrent leur faute. Mais sachez qu'ils avaient perdu la maison selon nos établissements, parce qu'ils avaient usé de pouvoir dont ils ne devaient user, selon ce qui est dit dessus. Et les prud'hommes de la maison dirent que l'on pouvait bien noter cela comme un complot pour tous ceux qui avaient maintenu le fait.
584. La dixième est qu'un frère se soit rendu à la maison comme un homme lais se fait ordonner sans congé de celui qui peut le donner, il pourrait en perdre la maison. Et s'il était ordonné comme sous-diacre ou plus, et qu'il l'ait caché à sa promesse et qu'il en fut atteint, il pourrait en perdre la maison.
585. Car il advint que le Commandeur de France envoya en deçà des mers un frère qui était en sa baillie et s'était fait ordonner sous-diacre, et il vint au chapitre général qui se tint à Césarée. Et il y avait frère Guiraut de Braies et frère Hugues de Monlaur et beaucoup d'autres vieux hommes, et il fut ordonné de perdre la maison pour cette raison, qu'il s'était fait ordonner sans congé.
586. De toutes ces choses devant dites on pourrait en perdre la maison, et s'il y a d'autres directions. Il advint qu'il nous vint un frère chevalier et il y avait des frères de son pays qui dirent qu'il n'était pas fils de chevalier ni de lignage de chevalier, et ces paroles en furent si grandes pour la maison qu'il convint qu'elles vinrent devant le chapitre. Et ces frères dirent que s'il était en place il en serait atteint les frères s'accordèrent qu'on l'envoya chercher, car il était à Antioche. Et le maître l'envoya chercher et quand il fut venu au premier chapitre, il se leva et dit au maître qu'il a entendu les paroles qui ont été dites sur lui. Et le maître commanda que ceux qui avaient dit ces paroles se lèvent, et ils se levèrent et il fut noté que son père n'était pas chevalier ni de lignage de chevalier : on lui fit ôter le manteau blanc et donner le manteau brun, et il fut frère chapelain. Et celui qui le fit frère, était outre-mer, quand il vint en deçà des mers il cria merci de ce qu'il l'avait fait frère, et qu'il avait fait cela par commandement du commandeur du Poitou, lequel était mort, et il se trouva que ce fut vrai. Et si ce ne fut qu'il trouva garantie qu'il l'avait fait par commandement, et si ce n'était qu'il s'était bien comporté dans sa baillie et qu'il était prud'homme, on lui aurait ôté l'habit, parce que nul ne doit donner l'habit à celui qui n'a pas le droit de le recevoir. Et si telle chose advenait du maître, on lui pourrait bien faire comme il est dit ci-dessus. Ce sont les choses par lesquelles les frères perdent leur habit s'ils en sont atteints, dont Dieu les garde
La perte de l'habit
587. La première est, si un frère refuse le commandement de la maison et se maintient en indiscipline et ne veut faire le commandement qu'on lui fera, on doit lui ôter l'habit et le mettre en bons fers. Mais ce serait dureté de faire de cette manière, ainsi on doit le laisser refroidi de son courroux et aller à lui bellement et lui dire :"Frère, faites le commandement de la maison", c'est mieux selon Dieu. Et s'il le fait et que dommage n'est venu, de par Dieu l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Au commandement de la maison on ne doit dire "Non" mais "de par Dieu" et s'il ne le fait, on peut lui ôter l'habit et faire comme il est dit ci-dessus.
588. Il advint à Tortose que le commandeur fit un commandement à un frère, et le frère dit :"Espoir, je le ferai". Et le commandeur fit assembler les frères, et lui fit crier merci de cette chose, et le frère dit qu'il fera le commandement. Et les frères furent tous empêchés de lui laisser 1'habit, parce qu'il n'avait octroyé le commandement à la première parole.
589. La seconde est, si un frère met la main sur un autre frère avec colère et courroux et lui fait remuer les pieds de place, et lui rompt les attaches de son manteau, 1'habit ne peut lui être laissé. Et si le coup est trop grand et laid, on peut le mettre aux fers ; et puisque le frère a été mis aux fers, il ne doit porter le gonfanon baussant, ni être en élection du maître. Et avant qu'on lui fasse crier merci de sa faute, on doit le faire absoudre. Et de même s'il avait battu un homme de religion ou un homme clerc, il doit se faire absoudre avant qu'on lui regarde sa faute.
590. La troisième est si un frère bat un chrétien ou une chrétienne avec une arme émoussée, ou une pierre ou un bâton ou avec une chose dont le coup peut le tuer ou le blesser, 1'habit est en la merci des frères.
591. Il advint à Acre que le frère Armand était commandeur de la boverie, et deux clercs prirent des pigeons qui étaient du colombier de la maison. Et le commandeur leur dit de ne plus le faire, et ils le voulurent les laisser. Et le commandeur avait un frère qui les attrapa lorsqu'ils prenaient les pigeons et le commandeur et les frères les battirent beaucoup et en blessèrent un la tête. Et les clercs en appelèrent au légat, et le Légat le montra au maître, et le maître les fit d'abord absoudre puis leur fit crier merci en chapitre, et leur habit leur fut ôté, ils furent mis aux fers et envoyés à Chypre parce que la bataille était trop laide.
592. Il advint que le couvent était à Jaffa et qu'on commanda de faire les paquets à minuit ; et des frères qui étaient en un hôtel entendirent ensemble les paroles, et un frère mit la main sur l'autre aux chevaux et il le jetta à terre, et il y eut des frères qui le virent. Et le lendemain le couvent arriva de jour à Arsuf ; ils entendirent la messe et les heures. Et frère Hugues de Monlaur était maréchal et entendit ces nouvelles ; il retint les frères à la chapelle et tint le chapitre, et il y a beaucoup de frères qui furent émerveillés, et avant tout il mit les paroles qu'il avait entendues. Le frère se leva et dit qu'il avait été battu et qu'il y avait des frères qui les avaient vu et le Maréchal demande qu'il vienne devant lui.
593. Et le frère qui avait fait cela se leva et cria merci et il l'envoya hors du chapitre et le frère chapelain avec lui, pour qu'il l'absolve; et dès qu'il eut eté absous, il revint en chapitre et le frère chapelain dit qu'il l'avait absous. Et on lui fit crier merci une autre fois comme il l'avait fait avant, et on le jeta dehors ; et il lui fut ordonné de perdre l'habit et de le mettre aux fers. Et il y eut grand débat des vieux hommes de la maison, parce que la bataille n'était qu'apparente et qu'il n'y eut pas de sang ; et les autres maintenaient que puisqu'il avait mis la main sur le frère en colère et que les choses étaient venues au chapitre, on pouvait bien le faire. Et frère Hugues de Monlaur fit indiquer que l'on pouvait bien faire selon les usages de la maison ; et le plus grand nombre s'accorda à cela et il fut mis aux fers et envoyé à Château-Pèlerin.
594. La quatrième est si un frère est atteint de coucher avec une femme et nous tenons pour atteint le frère qui est trouvé en mauvais lieu ou en mauvaise maison avec une mauvaise femme : l'habit ne peut lui rester et il doit être mis aux fers, et il ne doit jamais porter le gonfanon baussant ni être de l'élection du maître ; et il en a été fait de plusieurs.
595. La cinquième est, si un frère met sur un autre, une chose dont il puisse perdre la maison s'il en est atteint, et le frère qui aurait été repris ne l'en puisse atteindre, l'habit ne peut lui être laissé ; et puisqu'il l'a fait crier merci en chapitre, et qu'il se dédit en chapitre, l'habit est en la volonté des frères de le lui prendre ou de le lui laisser. La sixième est, si un frère demande le congé de la maison pour aller dans un autre ordre et qu'on ne veut pas le lui donner, et qu'il dise qu'il laissera la maison, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Note : le chapitre concernant la septième faute est illisible dans le manuscit et ne peut donc pas être retranscrit
596. La huitième est, si un frère dit qu'il va aller aux sarrasins, s'il le dit par colère et par courroux l'habit est en la merci des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La neuvième est si un frère tua ou perdit ou blessa une bête chevaline ou mulasse, l'habit est en la volonté des frères ou de le lui prendre ou de le lui laisser. La dixième est si un frère porte une chose des gens du siècle ou d'autre que du Temple, et dit que ce fut de la maison et qu'il ne fut voir, et que les seigneuries des terres ou des mers en perdissent leurs droits et leurs péages, l'habit est en la merci de Dieu et des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La onzième est si un frère qui n'a pas le pouvoir donna une bête vivante de quatre pieds, si ce ne fut un chien ou un chat, son habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.
597. La douzième est, si un frère tua ou blessa ou perdit un esclave de la maison par sa faute, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La treizième est si un frère fait une maison neuve de pierre et de chaux sans congé du maître ou de son commandeur, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais les autres maisons déchues il peut bien les redresser sans congé. La quatorzième est si un frère donna l'habit de la maison à qui il ne doit pas le donner, ou qui ne fut digne de l'avoir, son habit ne peut pas lui être laissé.
598. La quinzième est si un frère prête des aumônes de la maison en un lieu où la maison les perde, l'habit ne peut lui demeurer. La seizième est si un frère brisa la boule du maître ou de celui qui serait en sa place sans congé de celui qui peut le lui donner, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-septième est si un frère qui n'a pas le pouvoir donne les aumônes de la maison aux gens du siècle ou d'autre part hors de la maison, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-huitième est si un frère retient les rentes des gens du siècle en manière qu'il ne doit et dit qu'elles sont de la maison, et après qu'il soit atteint que ce ne soit pas vrai, l'habit ne peut lui être laissé. La dix-neuvième est si un frère prenait une chose des gens du siècle par intention pour les aider à être frère du Temple, l'habit ne peut lui être laissé, car c'est de la simonie.
599. La vingtième est si un frère refuse à un autre frère allant ou venant, le pain et l'eau de la maison, ou qu'il ne le laisse manger avec les autres frères, l'habit ne peut lui être laissé, parce que lorsqu'on le fait frère on lui promet le pain et l'eau de la maison, ce que nul ne peut lui enlever, si une faute ne l'exigeait. La vingt et unième est si un frère brisa la serrure sans congé de celui qui peut le donner, et qu'il en advenait des dommages, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.
600. La vingt-deuxième est si un frère prête sa bête à un autre frère sans congé, pour mener en un lieu où il ne peut aller sans congé, et que la bête se perdit, ou se blessa, ou mourut, l'habit est en la volonté des frères, ou de lui prendre ou de lui laisser ; mais il peut bien la prêter en amusement dans la ville où il est. La vingt-troisième est, si un frère fait le dommage de la maison en conscience ou par sa faute de plus de quatre deniers, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser, car tout dommage nous est interdit. Et les dommages pourraient être si grands que l'on pourrait le mettre aux fers.
601. La vingt-quatrième est si un frère chassait et qu'il arrive dommage, l'habit est en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. La vingt-cinquième est si un frère essaie une armure et qu'il advient des dommages, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.
602. La vingt-sixième est si un frère passe la porte avec l'intention de laisser la maison et puis s'en repent, on pourrait aller à l'habit. Et s'il va à l'Hôpital ou en un autre lieu hors de la maison, l'habit est en la volonté des frères, et s'il dort une nuit dehors, l'habit ne doit lui être laissé.
603. Il advint que frère Georges le Masson partit d'Acre et s'en alla aux sarrasins ; le maître le sut, il envoya des frères après lui, et il fut atteint, et ils lui trouvèrent une robe d'homme séculier dessus sa propre robe ; il fut envoyé à Château-Pèlerin où il fut mis en prison et mourut.
604. Il advint que frère Hugues, un frère qui était à la cordonnerie de Saphet, son commandeur était frère Guillaume de Chartres et qu'un sergent vint demnander des souliers au caravanier de la cordonnerie, et il ne voulut les lui donner ; et le frère dit au caravanier qu'il lui donna des souliers ou qu'il lui remit les clés de l'armoire, et le caravanier dit qu'il n'en ferait rien. Alors les frères brisèrent l'armoire et prirent des souliers et les donnèrent au sergent, mais le commandeur pris mal ce geste et confisqua les souliers. Le frère implora mais il fut traduit devant le chapitre et le verdict fut de lui ôter l'habit et de l'exclure de la maison après qu'il eût restitué ce qui appartenait à l'ordre car il avait commis un larcin.
605. Il advint que le couvent était à Casal Brahim et que les frères allèrent se reposer ; et un frère prit sa masse et la jeta après un oiseau qui était sur la rive de l'eau ; la masse tomba dedans et fut perdue. Le frère cria merci de ce fait et les frères dirent qu'on pourrait lui ôter l'habit pour le dommage qui était advenu et l'habit lui fut laissé pour Dieu.
606. Il advint à Chypre qu'un homme riche avait recommandé à notre maison, son cheval qui était malade. Lorsqu'il fut guéri, le commandeur le chevaucha et il rencontra un lièvre et il courut après. Le cheval tomba et se blessa et de cette blessure il mourut. Le frère vint à Acre et cria merci au chapitre général et les frères lui regardèrent l'habit. Aucun ne le couvrit car les uns disaient que le cheval n'était pas de la maison, et les autres dirent que cela n'avait rien à voir, car il convenait que le cheval soit de la maison et qu'il n'y était pas : car on ne doit pas faire de dommage à autrui. Et le frère perdit son habit et certains dirent qu'on pourrait bien le mettre aux fers à cause de ce grand dommage.
607. Il advint qu'un frère essaya une épée à Montpellier et que l'épée se brisa ; le frère vint en deçà des mers et cria merci de cette chose, et les frères lui regardèrent l'habit et lui laissèrent pour Dieu.
608. Il advint à Sur qu'un frère avait un marc de gobelets et qu'ils tombèrent de sa main : l'un se brisa et le frère à qui étaient les gobelets les prit tous et les brisa et dit que Dieu et sa mère étaient maudits ; et le frère cria merci de ce qu'il avait fait sciemment dommage à la maison. Les frères lui regardèrent son habit parce qu'il avait causé sciemment dommage à la maison et puis le lui laissèrent pour Dieu.
609. Il advint que le commandeur de la Voûte acheta un navire chargé de froment et commanda qu'on le mit au grenier ; et le frère du grenier dit qu'il était mouillé par la mer et qu'on le mit sur la terrasse, car si on faisait ainsi il se gâterait et qu'il ne serait plus bon. Le commandeur commanda qu'il fut mis au grenier et il y fut mis. Et peu de temps après, le commandeur fit porter le froment sur la terrasse mais une grande partie était gâtée et de cela il cria merci et l'habit lui fut enlevé parce qu'il avait fait sciemment grand dommage à la maison.
610. Il advint que Jacques de Ravennes était commandeur du palais d'Acre et il prit des frères et des turcopoles et des sergents, notres et de la ville, et fit une chevauchée à Casal Robert . Et les sarrasins de la terre sortirent au cri et les déconfirent et les emportèrent ; et il cria merci de cela, et il lui fut pris l'habit et mis aux fers parce qu'il avait fait une chevauchée sans congé.
611. La vingt-septième est, si un frère du Temple porte gonfanon en fait d'armes et qu'il l'abaisse pour raison de charger et qu'il advient des dommages, l'habit est en la volonté des frères. Et s'il charge ou non et que des dommages adviennent, l'habit ne peut lui être laissé ; et le dommage pourra être si grand qu'on pourrait regarder de le mettre aux fers, que jamais il ne porte le gonfanon baussant, ni être commandeur de faits d'armes, car c'est une chose beaucoup défendue à la maison à cause du grand péril qu'il y a. Car si le gonfanon se baisse, ceux qui sont au loin ne savent pas pourquoi il s'abaisse, ou de bon gré ou de mauvais gré, car des turcs l'auraient plutôt pris ou ravi quand il est bas que lorsqu'il est haut : et les gens qui perdent leur gonfanon sont beaucoup ébahis, et pourrait avoir une grande déconfiture et c'est pour cette peur qu'il est si étroitement défendu.
612. La vingt-huitième est si un frère qui porte le gonfanon charge sans congé de celui qui peut le donner, s'il n'était pas en passe ou en un lieu qu'il ne peut avoir le congé ainsi qu'il est dit au retrait, l'habit est en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et le dommage pourrait être si grand que l'habit ne pourrait lui être laissé ; et il se pourrait qu'on regarde de le mettre aux fers, et que jamais il ne portât plus le gonfanon, ni ne serait commandeur en fait d'armes, ni être à l'élection du maître, car il sera mis aux fers.
613. La vingt-neuvième est si un frère qui est en fait d'armes pointe sans congé et qu'il advient des dommages, l'habit est en la merci des frères ; et les dommages pourraient être si grands que l'habit ne pourrait lui être laissé. Mais s'il voit un chrétien en péril de mort et que sa conscience le reprend qu'il peut le secourir sans dommage ainsi qu'il est dit aux retraits, il peut le faire ; en aucune autre manière aucun frère ne peut le faire, qu'il mette son habit à l'aventure.
614. Et il advint que le couvent était hébergé à Jaffa et les turcs coururent devant et avaient tendu deux embuscades à Fontaine-Barbe ; et le turcoplier sortit le premier et on lui bailla le frère Margot avec les dix frères chevaliers pour le garder ; et le turcoplier fut pris entre les deux embuscades , et il sembla aux frères qui le gardaient qu'ils voulaient poindre sur le turcoplier, et des dix frères qui le gardaient, quatre frères partirent sans congé du commandeur, et l'un n'avait pas de chapeau de fer, et ils pointèrent sur l'embuscade. Et deux de ces frères perdirent deux chevaux ; et puis les autres qui étaient restés pointèrent par congé du commandeur, et mirent les embuscades en déconfiture, et le turcoplier pointa après et mit les autres en déconfiture.
615. Et quand l'on tint le chapitre, frère Margot ne se tint pas en paix de ceux qui avaient pointé sans congé et le dit au Maréchal devant tous les frères, et les frères se levèrent et crièrent merci ; et il fut regardé à ces deux frères qui n'avaient rien perdu qu'on pourrait les laisser avec l'habit et aux deux qui perdirent les chevaux il leur fut ordonné qu'ils ne pourraient demeurer avec leur habit. Mais parce que la chose se termina bien, et que le turcoplier aurait été en aventure si cette pointe n'avait été, à ceux qui perdirent leurs chevaux on leur laissa leur habit pour Dieu et les autres deux furent à deux jours ; et Hugues de Monlaur dit que la faute avait été bien regardée.
616. Il advint à Acre que maître frère Renaud de Vichier défendit que nul frère de jardin ne mangea ni ne but l'un avec l'autre, si ce ne fut de l'eau. Et il advint en peu de temps après, que les frères des jardins et de la Grande Vigne sortirent d'Acre et s'accordèrent d'aller ensemble souper à la Grande Vigne ; et ils demeurèrent si longtemps à souper qu'il fut grand nuit, et un frère de la Grande Vigne les accompagna un peu du chemin. Et puis les deux frères s'en allèrent ensemble et le frère de la monnaie convia le frère de la Chaene. Et quand ils eurent passé le fleuve d'Acre, ils trouvèrent les sarrasins poindre sur eux et tuèrent un frère en amenant son roncin ; l'autre en fut mauvaisement navré. Les choses vinrent au chapitre et furent mises en répit jusqu'au chapitre général et aussitôt ils crièrent merci. Et il y eut un vieil homme qui dit qu'ils n'étaient pas atteints parce que ce dommage ne fut pas venu par eux.
617. Et quand la demande vint au commandeur de la terre de Tripoli, il demanda au maître s'il avait à relaxer la défense qu'il avait faite aux frères des jardins de boire et de manger ensemble, et le maître dit que non; donc le commandeur de Tripoli, dit qu'ils étaient atteints du dommage qui était advenu parce qu'ils avaient fait ce que le maître avait défendu et que pour cela il était venu les dommages. Car s'ils n'eussent mangé ensemble et que chacun s'en fut allé en son hôtel bellement et en paix, les dommages ne seraient pas venus , et pour cette raison et pour les autres qu'il dit, il fut regardé l'habit aux frères ; et frère Geoffroi de Fos maintint cette raison. Et après, parce que les frères avaient été malades et navrés mauvaisement comme à la mort, il leur fut faite cette bonté qu'on leur laissa leur habit pour Dieu.
618. Il advint à Chypre que des frères perdirent leur habit ; l'un avait pour nom Jean Bouche de Lièvre et l'autre frère Matthieu. Et frère Jean était commandeur de Bapho et dit à son commandeur qui avait nom Baudouin de Benrage, qu'il n'avait de quoi faire sa maison. Et il lui dit qu'il a vendu son froment tant qu'il n'arriva pas au prix de six cents besants d'argent et que de quatre cents il fit sa maison, et les deux cent autres il les garda jusqu'à ce qu'il les enverrais chercher. Après un temps, il envoya un frère pour qu'on lui remit les deux cents besants, et frère Jean dit qu'il les avaient mis en la dépense de la maison. Et le commandeur les envoya chercher et qu'on donna les besants ; il lui dit qu'il les avait mis et dépensés, et il ne sut dire pour quoi ; et le commandeur se courrouça et le reprit et il vint devant le chapitre de Ricordane, d'où un autre frère était regardé de perdre la maison selon les établissements de la maison. Mais pour ce que les frères avaient bonne renommee, et que par l'intention du couvent il ne les avait mis dans un mauvais lieu, ni jetés hors de la maison, et pour ce qu'il ne nia pas les besants qu'on lui laissa l'habit. Et si l'on sut des frères une méchanceté, l'habit ne leur peut demeurer, et encore si l'on eut en lui une mauvaise suspicion.
619. A l'autre frère qui avait nom frère Matthieu il advint qu'il était à la Casterie ; et le dit frère Jean Bouche de lièvre était son commandeur, et lui défendit d'éteindre une lumière que le frère faisait briller. Et quand le commandeur vint de son service, il s'aperçut que la lumière brillait encore ; et le frère Jean prit la justice du sergent, et reprit le frère de la lumière parce qu'il la faisait briller sur sa défense. Et il ne voulut crier merci à son commandeur qui tenait le chapitre avec six frères ; et parce qu'il ne voulut pas crier merci en son chapitre, il vint devant le couvent et cria merci. Et il fut ordonné à perdre l'habit, et le perdit avec frère Jean Bouche de lièvre en ce même chapitre de Ricordane.
620. Et pour cela le maître frère Pierre de Montaigu et frère Ansaud le bourguignon, dirent que puisque le frère s'est révolté dans son chapitre, debout, il peut lui enlever l'habit et le mettre aux fers, et il peut en faire autant d'un frère qui ne veut crier merci en son chapitre comme il est établi dans la maison. Et c'est à entendre, que si celui qui tient le chapitre fait son commandement à un frère, celui-ci doit crier merci de quelque faute que ce soit. Mais si un frère de couvent reprend l'un ou l'autre et qu'il ne veut crier merci, parce qu'il ne perdra pas son habit, car un frère n'est pas au commandement de l'autre, on pourrait lui regarder la faute. Et quand un frère reprend l'autre, il doit crier merci selon l'établissement de la maison, et s'il ne le veut faire celui qui tient le chapitre doit le lui commander. Et s'il reprend un autre frère, il ne sera jamais cru sur lui s'il n'a des garanties, car un frère est l'un et un frère est l'autre ; mais il se nomme frère, et il lui faut porter garantie. A celui-ci on ne peut lui regarder une faute grande ou petite sauf l'habit ; mais il peut dire "il y a des frères...".
621. La trentième faute est si un frère laisse la maison et git deux nuits hors de la maison, il en perd son habit que devant un an et un jour il ne pourra le recouvrer. Et s'il retient les choses qui sont défendues, plus de deux nuits il en perd la maison.
622. La trente et unième est si un frère rend son habit par sa volonté et le jeta par courroux à terre et ne le voulut reprendre ni par prière ni par admonestation, et qu'un autre frère le leva avant qu'il ne prit son habit, avant un an et un jour il ne pourra le recouvrer ; s'il le prenait avant par sa volonté, il serait en la volonté des frères ou de lui prendre ou de lui laisser. Et si par aventure il ne voulait le prendre, et qu'un frère prit l'habit et le mit au cou du frère qui l'aurait rendu, le frère en perdrait le sien, car nul frère ne doit rendre l'habit ni faire frère hors du chapitre ; et celui à qui l'habit serait rendu de telle manière serait en la merci des frères ou de lui prendre ou de lui laisser.
623. Et toutes ces choses, sauf les deux dernières, de celui qui gît deux nuits hors de la maison et de celui qui rend l'habit par sa volonté, sont d'un an et d'un jour ainsi que nous l'avons dit dessus. Mais les autres fautes de 1'habit sont en la volonté des frères, selon comment la faute est faite et selon le comportement du frère, ou de lui prendre ou de lui laisser.
624. Si un frère du Temple est en répit d'une chose dont il peut perdre la maison ou l'habit, il ne doit être cru sur un autre frère de perdre le sien, ni porter garantie dont il put perdre la maison et son habit.
625. Il advint que des frères étaient en repos en demeure et le commandeur leur défendit d'entrer au casal. Et tant advint qu'un frère entra en la maison d'une femme, et pensa dormir avec lui cette nuit seulement et en fit son pouvoir. Et il en cria merci comme je l'ai dit devant, et son habit fut regardé , et puis ils lui laissèrent pour Dieu car il était de bonne renommée.
626. Il advint que des frères hébergés à Escalon portèrent leur équipement à la chevestrerie et qu'un frère prit le coussin d'un autre et il savait très bien que ce n'était pas le sien, et il l'emporta. Et il advint que le Maréchal assembla les frères et leur commanda qu'ils regardassent en leur place et que l'on rende l'équipement l'un à l'autre qui l'aurait ; et sur ce, le frère le tint trois mois, et cria merci comme je 1'ai dit ci-devant. Les vieux hommes se disputèrent sur ce fait, et les uns disaient qu'il était larron et les autres disaient que non. Et ils s'accordèrent parce qu'ils ne voulurent pas qu'il perdit la maison car il était bon frère, et ils lui laissèrent l'habit pour Dieu.
627. En quelque manière que le frère du Temple passe la porte avec l'intention de laisser la maison, il a perdu l'honneur, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être à l'élection du maitre ; et s'il va à l'Hôpital ou ailleurs et revient le jour même, l'habit est en la merci de Dieu et des frères ; et s'il dort une nuit, l'habit ne doit lui être laissé au cou, et s'il en dort deux, il ne doit le recouvrer dans un an et un jour.
628. Si un frère est en pénitence, que son habit soit en la merci de Dieu et des frères, et qu'il s'en va et dorme une nuit dehors de la maison et revient en arrière en sa pénitence, lorsqu'il est levé on doit lui montrer qu'il laissa la maison ; et s'il dort deux nuits, il ne doit le recouvrer devant un an et un jour ; et il est quitte de cette pénitence et de toutes autres. Et s'il s'en va en étant en pénitence d'un an et d'un jour et qu'il vienne le jour même, l'aumônier doit le mettre dans son ancienne pénitence et il n'a rien perdu de ce qu'il a fait ; mais on doit lui montrer qu'il laissa la maison, quand il aura recouvré l'habit après l'an et le jour qu'il sera levé. Et s'il dort une nuit hors de la maison, l'aumônier ne doit pas le mettre en pénitence, car il a perdu ce qu'il avait fait avant, et il doit recommencer au début ; et à celui-ci ils ne doivent rien montrer par raison, parce qu'il recommence au début.
629. Si un frère est en l'infirmerie et que des autres frères sont en garde de ses bêtes à l'heure où va sonner prime, il en est dessaisi. Et si un frère est en pénitence et qu'il entre à l'infirmerie pour sa maladie, quand il est amendé et qu'il va à prime, il peut manger s'il veut ses trois repas, avant de retourner à sa pénitence, sans chevaucher. Et si un frère est en l'infirmerie, il peut manger ses trois repas, et s'il veut, il sortira le jour même sans congé. Si un frère est regardé pour sa faute afin de le mettre autre part en pénitence, on peut le mettre par devant les frères sans chapitre.
630. Si un frère s'en va de la maison et prend une femme pour épouse, ou se met en un autre ordre, il n'aura maintenant de dommage s'il vient redemander la maison ; mais qu'il n'emporte rien qu'il ne doit emporter, et il ne sera de rien tenu à la femme, ni à l'ordre, ni à nous aussi, car il est avenu de l'un et de aussi, car il est avenu de l'un et de l'autre. Si un commandeur qui est fait par chapitre laisse la maison, nul ne peut le mettre en pénitence sauf le maître et le couvent. Si un frère est aisé des bêtes d'un autre frère et le frère trouve ses bêtes en fait d'armes, non autre part, il les prendra comme siennes.
631. Si un frère est en la place d'un commandeur de chevaliers, il n'a pas pouvoir de donner la place du lit, ni des bêtes, mais il peut bien les traiter. Si un frère est en pénitence, il doit venir le dimanche à la discipline et il doit la rendre avant que l'on ait commencé le chapitre ; et après il doit dire :"Beaux seigneurs prions Dieu qu'il nous vienne en aide". Et si un frère demande le congé à son chapitre de le mettre en un autre ordre, autre part, hors de la maison, il ne doit jamais porter le gonfanon baussant, ni être dans l'élection du maître.
632. Et si un homme demande à être frère, à la mort, celui qui lui donne l'habit ne doit rien lui dire, mais lui mettre dessus, quant il est bien atteint. Il peut le reprendre s'il voit qu'il trépasse ; et s'il meurt avec tout l'habit, on n'est pas tenu de dire les patenôtres que l'on doit dire pour un frère.
633. Les châtelains des châteaux sont au commandement du commandeur des chevaliers en fait d'armes, où il y a le gonfanon ; et dedans les châteaux, ils n'y sont d'aucune chose, et ils peuvent envoyer un frère de leur commandement en leur besogne, sans congé du commandeur des chevaliers. Si un frère va en la terre de Tripoli ou d'Antioche et qu'il se trouve à Sidon ou à Tripoli, le commandeur de la maison fera les commandements. Mais en fait d'armes ou si le cri se levait hors de la ville, et qu'ils y aillent, le commandeur de la maison serait au commandement du commandeur des chevaliers qui gouverne ces frères.
634. Et le commandeur qui gouverne les frères, si le Maréchal l'y met et qu'il se trouve en une autre résidence, ou à Tortose ou autre part, aux commandeurs pour le chapitre général, les frères en delà ou en deçà qui sont venus, le commandeur de la résidence fera le commandement. Mais si le commandeur de la province avait dit au nouveau commandeur de la résidence :"Vous serez commandeur de la résidence", celui qui est là, est relaxé, et celui qui vient, fait les commandements. Tous les frères baillis, quand ils entrent à l'infirmerie, il convient de présenter la boule et la bourse au commandeur par le chapitre. Et ceux qui sont nommés par le maître et par le couvent ne sont pas tenus si ce n'est par le maître et le couvent.
635. Si le commandeur des chevaliers du couvent et le commandeur du Château-Pèlerin et de Saphet ou d'autres résidences se trouvent chacun menant des frères et que le couvent n'y soit, celui qui a le plus de frères est commandeur de tous les autres.
636. Si un frère chapelain faute, il doit crier merci en son chapitre, comme les autres frères, sans s'agenouiller, et il doit faire ce que les autres frères lui ordonneront. Si un frère chapelain a laissé la maison et puis revient crier merci à la porte, il doit se dépouiller à la porte du chapitre ou en une chambre qui sera la plus près du chapitre, et venir en chapitre devant les frères et crier merci sans s'agenouiller. Et s'il n'a pas fait une chose par laquelle il ne doit pas perdre la maison, on doit le mettre en pénitence, et le frère chapelain en doit prendre la discipline, et doit être un an et un jour sans son habit ; et il doit manger à la table des domestiques sans toile, et il doit faire tous les autres jeûnes que les autres frères font et qui sont en pénitence, tant que les frères ne le relaxent.
637. Et il doit venir le dimanche à la discipline en privé au frère chapelain, et peut chanter sur une semaine, en privé, sans note. Et quand les autres frères qui sont en, pénitence, travaillent avec les esclaves, le frère chapelain doit dire son psautier au lieu du travail. Et s'il y a un frère chapelain qui soit de mauvaise vie ou qui mette la discorde entre les frères ou qui mette la discorde et le scandale dans l'Ordre, on peut plus facilement se délivrer de lui et le remettre aux mains du conseil mieux qu'un autre frère car ainsi le commanda le pape quand il nous donna des frères chapelains. Et s'il fait sa pénitence avec son habit, il doit manger à la table des turcopoles sans toile.
638. Ces exemples écrits ci-dessus furent mis pour deux choses en mémoire : l'une pour que les frères qui les entendront fassent le commandement qui leur est fait et qu'on leur dira, car de ces deux choses viennent presque tous les dommages qui adviennent aux frères car ceux qui ne gardent les commandements qu'on leur fait et ne gardent pas les défenses qui leur sont faites, et sur ces dommages s'il advenait une de ces deux choses, ils peuvent perdre l'habit. L'autre chose est que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu'ils ne chargent leurs frères plus que ceux qui regardent les fautes à leurs frères les sachent mieux garder, qu'ils ne chargent leurs frères plus qu'ils ne doivent, et qu'ils sachent garder la justice de la maison.
639. Car il est chose usée entre nous, que l'on fasse d'une grande faute une petite à un prud'homme, et à celui de fol comportement d'une petite une grande, comme il est dit avant. Mais si un prud'homme de la maison qui sera de bonne vie et de bonne religion fait un méfait d'une chose dont il peut perdre l'habit ou la maison, on peut bien le déporter, de telle manière que la justice de la maison ne soit pas corrompue ; car celui qui regarderait la faute et dirait à son avis qu'il eut perdu la maison par l'usage de la maison sachez qu'il ne peut plus regarder une autre faute. Mais s'il est si prud'homme comme il est dit ci-dessus, on pourrait bien le déporter avant qu'on lui regarde d'en perdre la maison ; c'est à savoir qu'on peut le mettre en répit et l'envoyer en privé autre part au commandement de la maison parce qu'il demeure à la maison. Et qui ne lui veut faire cette bonté, avant qu'on lui ordonne de perdre la maison, on peut le regarder à ce qu'il perde l'habit mais ils peuvent dire plus, qu'à leur avis on pourrait plus en avant de la faute, parce que les jeunes gens s'aperçoivent de la faute telle qu'elle est. Et sachez que qui a desservi à perdre la maison, il a bien desservi pour perdre l'habit. Et en autre manière on pourrait lui faire bonté sans trop corrompre l'établissement de la maison.
640. Et il advint à Château-Pèlerin que frère Baudouin de Borrages était commandeur des chevaliers, et que les turcs courussent devant le château. Et quand il fut dehors il trouva les éclaireurs qui avaient découvert les turcs et ils le prièrent de retourner en arrière, car les turcs étaient si nombreux qu'il ne le pourrait souffrir ; et il n'en voulut rien faire, et ainsi alla jusqu'à Mirla, et les turcs l'encerclèrent. Et quand il fut au milieu d'eux et qu'il ne put s'échapper, il baissa le gonfanon pour attaquer et pointer au milieu d'eux et s'en alla sur le rivage de la mer et deux frères avec lui, et les autres furent tous morts et pris, et tout l'équipement perdu. Et ledit frère Baudouin eut des amis qui le firent aller outre-mer et il y demeura tant que les choses furent oubliées ; et l'un des frères alla aussi outre-mer, et l'autre demeura au Pays, et n'eut jamais de pouvoir au Temple : ainsi passèrent les choses de ce fait.
641. Et si on ordonne à un frère de perdre l'habit, il n'est pas d'usage qu'on lui regarde autre chose, mais lui laisser l'habit pour Dieu. Si l'on ordonne à un frère deux jours et le troisième, il n'est pas de mercredi au frère chapelain, mais au moins un vendredi et d'un jour à mettre au frère chapelain. Et ces choses nous les avons entendues par nos vieux hommes.
642. Et ces choses écrites avant celui qui voudra les prendre pour exemple il le pourra, et celui qui ne voudra pas il charge sa conscience laquelle chacun est tenue de bien garder. Et qu'il ne juge son frère par haine ni par courroux, ni pour amour qu'il a pour lui il ne doit laisser à maintenir la justice de la maison ; mais selon nos prédécesseurs qui ont usé de maintenir les bonnes us et coutumes qui furent mises en la maison, selon celles-là chacun doit juger son frère. Et en telle manière leur conscience sera sauve. Dieu est le commencement de toutes choses.
Les justices de la maison
643. La première est de perdre la maison, dont Dieu garde chacun. La seconde, de perdre l'habit, dont Dieu garde chacun. La troisième, quand on laisse l'habit pour Dieu à un frère, s'il est à trois jours entiers tant que Dieu et les frères le relaxent et fassent merci d'un des jours ; et il doit être mis aussitôt en pénitence, s'il n'est sans répit. Et s'il est triste l'aumônier peut lui donner du manger de l'infirmerie. Et s'il est malade, qu'il convienne d'aller à l'infirmerie, il doit montrer sa maladie à l'aumônier et il doit le montrer au maître ou à celui qui tient cet office. Et s'il en doit demander aux frères et si les frères s'accordent au levé, qu'il soit levé de par Dieu ; et s'ils ne s'accordent pas au levé, il leur doit demander s'ils s'accordent qu'il soit mis à l'infirmerie et ils doivent s'accorder si le frère en a besoin, et de suite il doit entrer à l'infirmerie. Et dès qu'il sera guéri il doit retourner à sa pénitence sans parler aux frères. Et sachez que, tout ainsi, celui qui est en pénitence il doit être levé par l'égard des frères, il doit entrer à l'infirmerie par l'égard des frères, s'il est malade, tant comme il est en sa pénitence, selon les usages de la maison.
644. Sachez que si l'habit est pris à un frère en un chapitre et qu'en ce même chapitre il lui est rendu par la prière des frères et pour sa grande repentance, puisqu'il est allé hors du chapitre sans habit, il demeure à deux jours, car le troisième lui est pardonné pour l'habit qui lui est rendu et pour la honte qu'il a reçue devant les frères.
645. Encore disent les vieux hommes de notre maison que lorsque l'habit est regardé à un frère et qu'on lui a pris, selon sa bonne repentance et selon son bon comportement on le lui rend, parce qu'il avait mangé avant un jour sans habit, il demeure un jour sans plus. Car les deux jours sont pardonnés pour la honte qui lui est faite et qu'il a reçue devant les gens du siècle. Et le frère est quitte de toutes ces pénitences qu'il a à faire selon les usages de la maison. Et quand les frères qui sont en pénitence ne sont pas levés sitôt de terre quand on leur rend leur habit ; mais puisqu'il a mangé un repas à terre en son habit, peut lui enlever qui veut, s'il a bien fait sa pénitence et s'il ne l'a pas bien faite et en paix, on peut le tenir plus longtemps. Et que tous les frères du Temple sachent que le frère qui est un an et un jour en pénitence, et s'il meurt en la faisant, on doit lui faire comme d'un autre frère.
646. La quatrième est de deux jours et le troisième la première semaine si le troisième est nommé ; et s'il n'est pas nommé, il demeure à deux jours sans plus, mais si le troisième est nommé, il doit jeûner le jour de sa faute en quelque jour que ce fut si ce ne fut un dimanche, et s'il l'a faite un dimanche il doit jeûner le lundi, car la faute doit aller avant. Et cette faute on peut la regarder au frère de qui l'on prend tout ce que l'on peut prendre sauf son habit, c'est deux jours. Et celle-là on peut la regarder au frère pour plus petite faute lorsqu'il surpasse le commandement de la maison.
647. La cinquième est de deux jours sans plus. Et un frère qui a deux jours on peut lui dire, s'il est frère chevalier ou frère sergent de couvent, qu'il prenne garde à son équipement et à un frère de métier qu'il prenne garde à son métier. Et un frère qui est à trois jours ou à deux doit mener l'âne et faire un des vils métiers de la maison et il doit venir le dimanche à la discipline au commencement du chapitre, et ils doivent être bellement et en paix toujours à leur place et s'ils savent charpenter ou autre chose, ils peuvent bien le faire. Ainsi se doivent tenir tous les frères qui sont en pénitence à trois jours ou à deux ou à quatre ; et ils ne doivent toucher aucune armure, si ce ne fut qu'elles se gâtassent en un lieu et il ne peut faire autrement.
648. La sixième est à un jour sans plus, et celui qui est à un jour n'est pas à l'âne, ni au métier, comme il est dit ci-dessus de ceux qui sont à trois jours ou à deux. La septième est au vendredi et à la discipline, mais si le vendredi leur est ordonné en chapitre, ils ne le doivent pas jeûner dans les octaves de Noël, ni de Pâques, ni de Pentecôte, ni prendre la discipline du frère chapelain. Et si le frère est malade celui qui tient le chapitre doit lui dire qu'il prendra la discipline du frère chapelain.
649. La huitième faute est quand l'on met un frère en répit devant le maître et devant les vieux hommes de la maison pour être accusé d'une chose et dont les frères ne sont pas certains. La neuvième est quand on met un frère au frère chapelain. La dixième est quand on met en paix.
650. Que tous les frères du Temple sachent que nul frère n'a pouvoir de lever l'habit sans congé de celui qui peut le donner. Le maître, ni nul autre frère n'a pouvoir de lever un frère de pénitence sans en parler aux frères, et s'ils s'accordent pour, qu'il soit levé du congé, et s'ils ne s'accordent pas, il ne sera pas levé.
651. Si le frère qui a laissé la maison veut retourner pour recouvrer la maison, il doit être à la grande porte de la maison et doit s'agenouiller à tous les frères qui vont et viennent, et les prier par Dieu qu'ils aient pitié de lui et cela ils doivent le faire souvent. Et l'aumônier doit lui donner à manger à la porte et le doit héberger et doit le remémorer à celui qui tient le chapitre et qui a pouvoir de le mettre en pénitence. Et il doit dire devant tous les frères que "celui qui fut notre frère est à la porte et requiert la maison qu'il a laissée par sa faute, et attend la merci de la maison". Et celui qui tient le chapitre doit dire :"Beaux seigneurs frères il y a personne de vous qui sait que tel homme qui fut notre frère et il doit le nommer par son nom, ait fait ni porté une chose pour qu'il puisse, ni ne dût recouvrer la maison"? Et s'il ne l'a fait, il doit la recouvrer comme il est dit ci-dessus.
652. Celui qui veut recouvrer la maison doit se dépouiller tout nu, en braies à la grande porte où il est, une corde au cou, et ainsi il doit venir en chapitre, devant celui qui le tient, et s'agenouiller devant lui et devant tous les frères. Et celui qui tient le chapitre doit dire :"Beau frère, vous vous êtes follement comporté puisque vous avez laissé la maison et votre Ordre". Et celui qui vient recouvrer la maison doit dire "qu'il est beaucoup en douleur et courroucé et qu'il s'est follement comporté mais il s'amendera volontiers comme il est établi à la maison".
653. Et si le frère est connu d'un mauvais comportement, et qu'il ne fasse sa pénitence ni bien ni en paix, celui qui tient le chapitre doit lui dire en cette manière :"Beau frère, vous savez que vous avez à faire une grande et longue pénitence, et si vous demandez le congé d'entrer dans notre Ordre pour votre âme, je pense et je crois que vous ferez ce qui est sage, et je vous le conseillerais bien". Et s'il demande le congé, celui qui a pouvoir de le mettre en pénitence a le pouvoir de lui donner le congé avec le conseil des frères. Et s'il ne le demande, on peut le lui donner lorsqu'il n'a pas fait une chose par laquelle il doit perdre la maison ; mais avant qu'il vienne en chapitre, on peut bien le mettre en long répit et le faire attendre longuement, pour qu'il puisse connaitre sa folie.
654. Et si le frère est connu d'un bon comportement, aussitôt ils doivent le faire sortir du chapitre et le vêtir de la robe comme il lui affaire, et puis il doit retourner en chapitre et on doit le mettre en sa pénitence et le vêtir d'une chape sans croix, car ainsi est établi l'usage de la maison. Et ils doivent dire à l'aumônier qu'il prenne garde de lui, et qu'il le fasse dormir et héberger en sa maison comme il est établi. Et puisqu'il est en pénitence, l'aumônier doit lui apprendre ce qu'il doit faire ; et si le frère qui est en pénitence est malade, l'aumônier doit lui donner ce dont il aura besoin pour sa guérison ; et il doit mettre par écrit le jour où il commence sa pénitence pour que l'on s'en souvienne.
655. Un frère qui est en pénitence ne doit être appelé en conseil ni à aucun appel des frères qui se fasse pour assembler les frères, mais en privé on peut bien lui demander conseil si besoin est. Encore disent les vieux hommes de notre maison et les prud'hommes, qu'aucune faute par laquelle les frères peuvent perdre l'habit ne se doit regarder devant aucun frère qui n'ait le pouvoir de le faire frère. Et ils disent aussi qu'aucune faute, ainsi qu'il est dit, ne doit se mettre un vendredi, car alors on doit la mettre à un jour ou à plus et ainsi disent les coutumes de la maison.
656. Si un frère est en pénitence avec tout son habit et que le cri se lève, on peut lui prêter cheval et armes pour aller en cette besogne avec les autres frères, et quand il reviendra il doit retourner en sa pénitence. Nul frère qui a laissé la maison ne doit être en élection du maitre ni porter le gonfanon baussant.