Syrie, Muhafazah de Tartus (Tortose), ville de Tartus (Tortose.
Le nom moderne de Tortose est dérivé du nom d'Antarsous ou de l'antique Antaradus, citée dans les chroniques des Croisades.
Cette forteresse, édifiée par les Templiers dès 1183, a été durant l'existence des Etats Latins d'Orient, l'une des plus importantes de l'Ordre .
Ses vestiges présentent aujourd'hui l'un des ensembles les plus curieux d'architecture militaire en Syrie de l'époque des Croisades.
La forteresse s'élève à l'angle nord-ouest de la ville. Elle est constituée d'une double enceinte munies chacune de fossés taillés dans le roc et remplis par l'eau venant de la mer et d'un donjon aux proportions colossales.
Les murs de cette double enceinte sont construits avec des pierres énormes et flanqués de tours de défense carrées ou barlongues.
Une première enceinte, de la forme générale d'un trapèze, ceignait de trois côtés l'emplacement de ville moyenâgeuse, limitée à l'ouest par la mer. Cette ville est devenue aujourd'hui un ensemble de jardins où la nature a prodigué tous ses bienfaits aux splendeurs de la flore orientale.
C'est à cet endroit qu'apparaît, entourée de palmiers, la vieille cathédrale de Notre-Dame de Tortose, vieux et magnifique vaisseau de pierre du 12ème siècle qui, durant l'époque chrétienne, a été un lieu de pèlerinage et de grande vénération.
Jean, Sire de Joinville,(1) fera partie de ceux qui s'y rendront lors de la croisade de Louis IX.
Un large fossé la sépare de la forteresse, traversé par une chaussée menant à sa seule entrée.
Sur toute son étendue, ce chemin est exposé aux tirs des défenseurs et était coupé par un pont à tiroir couvert par une barbacane ou une palissade.
La porte d'entrée de la forteresse est située au pied d'une grande tour. L'arc de cette porte est orné d'une croix fleuronnée se détachant d'un trèfle.
Cette entrée était défendue par un mâchicoulis, une herse et des vantaux de bois ferrés et renforcés de barres coulissantes.
A l'étage, une chambre de tir communiquant avec le chemin de ronde de la première enceinte permet de protéger efficacement la porte et ses défenses.
La première enceinte est accrochée sur un massif de rochers taillés revêtus de maçonnerie. D'une épaisseur de trois mètres et percé de grandes meurtrières pour l'utilisation de machines de guerre, la muraille est surmontée d'un chemin de ronde avec un parapet crénelé.
Les fragments de la deuxième enceinte ou enceinte intérieure, qui ont conservé leur hauteur primitive, leurs crénelages et le chemin de ronde, nous montrent que la hauteur totale de la muraille était d'environ 30 mètres.
Un fossé, construit selon le même principe que le premier longeait également cette seconde enceinte, dont l'élévation considérable permettait d'assurer la défense des ouvrages de la première ligne.
D'immenses magasins et bâtiments voûtés ont été construit à l'intérieur de cette seconde enceinte et tout le long du fossé.
Ces différents bâtiments de plain-pied s'ouvraient sur la cour intérieure du château, formant ainsi ce qu'on peut appeler la place d'armes.
Au nord de la place et du côté de la mer, s'élevaient tous les grands bâtiments dignes d'une importants forteresse : donjon, chapelle, grande salle...
La grande salle, vaste bâtiment voûté, servait de salle capitulaire, et servait aussi de salle de réception où étaient accueillis les émissaires et ambassadeurs étrangers et de salle de banquet.
Cette salle servait aussi de salle d'apparat où étaient exposés les trophées conquis ainsi que l'étendard de l'Ordre.
Cette salle de 44 mètres de longueur sur 15 de largeur, était composée de deux nefs séparées par une rangée de 5 colonnes et éclairées par six grandes fenêtres s'ouvrant sur la cour.
Une seule de ces fenêtres nous est arrivée plus ou moins intacte, et on peut encore distinguer parfaitement sur le claveau central, la présence d'un agneau portant l'oriflamme à la croix (Agneau Pascal).
A côté de cette salle, du côté sud-est, se trouve la chapelle assez austère dont le style ressemble assez avec celui de la grande salle.
La nef est formée de quatre travées et se termine carrément, c'est à dire sans abside. Elle est éclairée par de hautes fenêtres en lancettes.
Au milieu de la cour intérieure, on peut encore distinguer le puits central du château.
Au bout de la place du côté de la mer s'élèvent les vestiges du grand donjon carré qui a frappé l'esprit des chroniqueurs contemporains qui l'ont vu.
Au sous-sol de ce donjon, des entrepôts souterrains ouverts du côté de la mer et situé à hauteur d'eau, permettaient le ravitaillement maritime des défenseurs.
Comme les deux enceintes, le donjon était aussi protégé et isolé du reste de la forteresse par un vaste fossé.
En 1188, après sa victoire aux Cornes de Hattin l'été précédent, Saladin assiège Tortose, mais la défense des Templiers retranchés dans le donjon est tellement forte qu'il doit rapidement lever le siège.
C'est aussi devant ces murs qu'il libère le Maitre de l'Ordre du Temple, Gérard de Ridefort, ainsi que le roi de Jerusalem, Guy de Lusignan et d'autres chevaliers capturés à Hattin en échange de la reddition de Gaza.
Tortose sera occupé par les Templiers jusqu'à la chute définitive des territoires chrétiens et résistera encore quelques jours après la chute d'Acre. Tortose tombera aux mains des musulmans le 05 juin 1291.
En 1300, après s'être retirés à Chypre, les Templiers, conduits par leur Maître, Jacques de Molay et d'autres croisés sous les ordres du Prince de Tyr, Amaury de Lusignan(2) tentent une expédition vers la côte et réussissent à reprendre Tortose qu'ils ne garderont que quelques jours à cause de la contre-attaque menée par le sultan égyptien Malek el-Mansour.
(1)Jean de Joinville est né vers 1224 et mort en 1317 à l'âge de 93 ans. Il est le fils de Simon de Joinville et de Béatrice d'Auxonne. Il hérite de la charge de sénéchal de Champagne à la mort de son père en 1233 alors qu'il n'a que 9 ans. En 1241, il accompagne son seigneur, le comte de Champagne Thibaut IV à la cour du Roi de France Louis IX. Il accompagnera celui-ci lors de la Septième Croisade. Lors de celle-ci, il se met au service du roi et en devient le conseiller. Il reste avec Louis IX pendant tout son séjour en Terre Sainte. Lorsque le roi de France veut se croiser à nouveau en 1270, il refuse de l'accompagner car il estime l'entreprise hasardeuse et surtout inutile. A partir de 1299, il commence la rédaction, ou plutôt la dictée de "La Vie de Saint Louis" à la demande de Jeanne de Navarre, l'épouse de Philippe "le Bel".
(2)Amaury II de Lusignan, aussi appelé Amaury II de Chypre est né vers 1272 et mort assassiné en 1310. Il est le fils du roi de Chypre Hugues III et d'Isabelle d'Ibelin, fille du maréchal et connétable de Chypre, Guy d'Ibelin et de Philippa Berlais. Il reçoit la seigneurie de Tyr en 1284 à la mort de Onfroy de Montfort. En 1292, il se marie avec Isabelle d'Arménie, fille du roi d'Arménie Levon III et de Kyranna de Lampron. En 1306, aidé par les Templiers de l'île de Chypre, il se révolte contre son frère le roi Henri II pour l'écarter du trône et l'exiler en Arménie. Il sera assassiné en 1310 par des barons loyaux au roi Henri II.