Projet Beaucéant   L'Ordre de Saint-Blaise

ou l'Ordre de Saint-Blaise et de la Sainte-Vierge

Contributeur: Armand Thouhadjian

Le premier ordre militaire, pas forcément religieux, et pour cause, aurait été créé par l’empereur Constantin en 312(1). On en a retrouvé des pièces de monnaie, servant sans doute à la récompense de ses membres. Ils se développeront au Moyen Âge avec la Chevalerie et les croisades.

Si l'étude de la diffusion du culte de Saint-Blaise soulève de nombreuses questions, une des plus intéressantes, et non des moindres, est bien celle qui concerne l’existence ou non de l’ordre militaire et religieux de Saint-Blaise, ou de Saint-Blaise et de la Sainte-Vierge Marie.

Au XIIème siècle, au moment des croisades, Léon Ier, roi d’Arménie cilicienne, aurait créé un ordre militaire et religieux en Palestine, environ à la même époque que l’Ordre des Templiers, en 1119. Son nom : Ordre de Saint Blaise ou Ordre de Saint Blaise et de la Sainte Vierge(2). Il était composé de militaires laïcs pour combattre les hérétiques, y compris les «schismatiques» grecs et autres, et de religieux pour leur évangélisation.

Saint-Blaise

Pendant cette période, il y avait tentative de rapprochement avec l’Eglise de Rome et la cour était très influencée par l’organisation féodale des Francs(3).
Quelles sont nos données ?

Au XIXème siècle, dans "Léon le Magnifique", Venise 1888, (p.213) l’historien arménien, Léon Alishan, nous dit qu’il y avait un Ordre de Saint-Blaise au nord de la Syrie, mais sans indiquer ses sources.
Nous disposons de différents autres textes récents du XIXème siècle(4). Mais aucun n’indique non plus ses sources. Ils s’inspirent eux-même d’auteurs des XVIIème et XVIIIème siècles(5). Ces derniers semblent se copier les uns les autres, sans donner non plus leurs sources. Et nous trouvons presque toujours le même texte(6).

Quels sont les éléments qui nous permettent de dire aujourd’hui, avec des sources plus fiables, c’est-à-dire avec des informations pratiquement contemporaines, que l’ordre a bien existé ?

Premier indice, Caleb Bach, dont le manuscrit (Trailing a Blaise : A saint’s progress….) sur le Saint n’est pas encore édité, attire notre attention sur une des colonnes de l’église de la Nativité à Bethléem. Elle est restaurée en 1130 par les Croisés. Une peinture représentant La Sainte Vierge et Saint-Blaise figurant ensemble, dos à dos sur une des colonnes.
Deuxième indice, quelques décennies plus tard, dans une lettre du 6 juillet 1206, le pape Innocent III (1198-1216), considéré comme le pape le plus important du Moyen Âge, écrit au roi d’Arménie, Léon Ier (ou Lavon) (Doc. Reg. Vat. 7A au XII Fol 105 n 45):
«cum vim vi repellere omnes leges et omnia jura permittant, ab iis maxime qui vim repellendo irregularitatem non contrahunt cum clerici non eitant, videtur plerisque quod contra te offendentem se possint defendere tibique, impugnanti valeant repugnare».
Ces quelques lignes attirent l’attention du roi sur l’incompatibilité qu’il y avait, dans un Ordre, à ce que le clergé s’impose par la force. On peut donc supposer l’existence d’un ordre sous la responsabilité du roi, et qui ne respectait pas ces consignes.

Mais l’information la plus intéressante, le troisième indice, nous est donnée par Saint Nercès de Lampron(7), archevêque arménien de Tarse en Cilicie, (1153/58-1198), c’est–à-dire un contemporain. Il nous dit dans "Considérations sur les institutions de l’Eglise - chapitre de la comparaison des institutions de l’Eglise chrétienne", reproduit dans le "Recueil des Historiens des Croisades- Documents Arméniens- Tome I- Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Paris, 1869, pp.570,571" :
«qu’il existait de son temps, fin XIIe siècle, en Arménie des corporations religieuses régies par des lois différentes, lesquelles associaient les institutions monastiques dans le monde, avec l’habit militaire et qui avaient pour but de faire une guerre implacable aux ennemis de la foi chrétienne»
Nous disposons d’un autre témoignage contemporain. C’est le résumé par E.M Baghdassarian d’un compte-rendu d’adoubement de chevalerie, auquel assistait Hovhannès Yerzynkatsi, évêque et théologien de la Grande Arménie, cérémonie pendant laquelle, le 6 février 1283, le roi Léon II d’Arménie arma ses deux fils, Hétoum et Thoros, chevaliers.
L’auteur qui ne croyait pas jusque-là à l’existence d’ordres militaires, termine en écrivant :
Saint-Blaise "Quant aux données que contient le discours de Hovhannès Yerznkatsi, elles ne font que témoigner une fois de plus que lors de conditions politiques exceptionnellement difficiles, l’Etat et l’Eglise unissaient leurs efforts afin de prévenir une catastrophe nationale. Ceci caractérise Lévon II comme un remarquable homme d’Etat, aspirant à réunir autour de la Cilicie les autres forces politiques et militaires de l’Arménie. Banber Matenadarani (Le Messager du Maténadaran, Bibliothèque des manuscrits anciens d’Arménie), N°16, 1994. pp. 46/47.

Les costumes de ces chevaliers équestres ou non sont décrits très précisément par certains auteurs, mais mis en doute par d'autres ! Plusieurs versions existent, toutes semble-t-il plus fantaisistes les unes que les autres. Nous en présentons deux mais sans garantie !

La date de disparition de cet ordre est elle aussi mystérieuse.
Rappelons-nous la situation vers 1274. Des tentatives de regroupement des différents Ordres ont lieu à l'arrivée des Mamelouks. Les croisades n'ont pas donné les résultats souhaités. Les souverains occidentaux rechignent à repartir, la papauté n'a plus d'argent.
Au Concile de Lyon en 1274, des voix s'élèvent malgré tout pour relancer la reconquête de la Terre sainte. Mais le pape Grégoire X soucieux des moyens, pousse d’abord au regroupement des nombreux Ordres en place. Un peu plus tard, en 1291, un de ses successeurs, Nicolas IV apprenant la chute de Saint-Jean-d’Acre, aujourd’hui Akko en Israël, invite les patriarches et les archevêques de la région à un synode provincial, pour discuter de la réunion des Ordres.

Certains le voient donc disparaître à l'arrivée des Mameluks au XIIIème siècle. Ou encore s’intégrer dans un Ordre comme les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem au moment de la disparition des Templiers. En fait des Arméniens servaient chez les Templiers (il y avait un responsable du Temple pour l’Arménie Cilicienne), et auront de bonnes relations avec les autres Ordres. Les notables arméniens leur confiaient des châteaux-forts à garder.
Ou bien encore, comme le feront ces mêmes Templiers plus tard, peut-être s’intégreront-ils aussi dans des Ordres plus «sécurisés» par la distance, tel que celui de Calatrava en Espagne, qui avait également des représentants en Terre sainte.

Pendant ce temps, un accord de principe était retenu pour une nouvelle croisade, mais le «cœur» n’y était plus, les croisés restèrent sur un échec. On en parlera durant les siècles à venir(8) !
Avis aux chercheurs pour la suite de l’Ordre !

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Notes :

(1)Eusèbe de Césarée le signale sous le nom de : L’Ordre Sacré et militaire Constantinien de Saint Georges.

(2)Indépendamment de leur saint de patronage, les ordres se mettaient aussi souvent sous la protection de la Sainte Vierge.

(3)Après le couronnement du roi Léon (1198), et après celles de Jérusalem, les Assises d’Antioche, au milieu du 13ème siècle, restructurent la cour du roi sur celle des Francs.

(4)De Perrot et Fayolle, Collection historique des ordres de chevalerie civils et militaires…, Paris, 1820 ; Abbé Glaire, L’Encyclopédie Catholique, Paris, l812 ; Louis Broc de Segange, Les Saints patrons des corporations, Protecteurs des maladies, Paris, 1887 ; Lablé Jacques, Tableau chronologique historique des ordres de chevalerie, Paris, 1807 ; Père Hélyot, Dictionnaire des ordres religieux et ordres monastiques, Atelier Catholique du Petit Montrouge - 1847 ; La série encyclopédique du célèbre éditeur Migne ; Encyclopedia Populare, Turin, 1857.

(5)Favyn- Théâtre d’honneur et de la chevalerie ou l’histoire des ordres militaires… Paris, 1620 ; Fr. Mennenius, Delicae equestrum sive militarium ordinum e origins, Cologne (Coloniae Aggripinae) 1623 ; Cardinal Buoncompagno, Archevêque de Naples - Narratione della Vita e martirio di San Biagio, Napoli 1635 ; Don Camillo Tutini, Narratione della vita di San Biagio, Napoli, 1635 ; Don Joseph Micheli Marquez,Tesoro militar de cavalleria, antiquo y moderno, Madrid,1642 ; Andréas Mendeo, Ordini militaribus, Lyon, 1668 ; Bernardo Giustiniani, Historiche degli ordini, Venetia, 1672 ; J.Hermant et A.Schoonebeck, Histoire des religions et des ordres militaires, Antwerp, 1725.

(6)J. Hermant et A.Schoonebeck, Histoire des religions et des ordres militaires, Antwerp, 1725.

(7)Par ailleurs traducteur de la Règle de saint Benoît en arménien.

(8)Un avocat ecclésiastique comme Pierre Dubois de Coutances, des légistes comme Ramon Lull ou Philippe de Mézières (Auguste Molinier, "Description de deux manuscrits de Militia Passionis Jhesus Christi", Ms. Bibliothèque Mazarine N° 1056, Archives de l’Orient Latin, T.I, Paris 1881, P. 335), prônent un regroupement des Ordres et de leurs moyens, avec des plans très détaillés, pour en créer un nouveau, les comprenant tous. Au Concile de Vienne, les notables cités demandent encore une fois le rassemblement des forces et la nomination d'un roi de Jérusalem. On parle de Philippe le Bel lui-même ou de son fils, puis de son frère Charles de Valois, pour occuper le trône. Manœuvre de diversion ou concurrence entre les souverains, qui sait ? Mais le projet utopiste ne verra jamais le jour.

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BibliographieProjet Beaucéant

  1. Saint Blaise, Evêque de Sébaste, Arménie Mineure
    Armand Tchouhadjian; Editions de l’Harmattan 2004
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