L'histoire de la question d'Orient ne commence pas, comme on le croit trop souvent, au XVIIe siècle. Pour être intelligible, elle doit aller de la période hellénique à nos jours.
Dans cet esprit, René Grousset cherche à suivre l'évolution des frontières - spirituelles et politiques - entre l'Europe et l'Asie. Ces frontières ont singulièrement varié au cours des siècles. Pour l'Athénien du Ve siècle, elles se situaient entre Milet et Sardes.
Avec Alexandre, les frontières de l'Europe, englobant d'un seul coup toute l'Asie antérieure, sont brusquement portées jusqu'au-delà de Samarqand et de Lahore, au seuil de l'Asie centrale et de l'Inde gangétique.
A l'époque des rois grecs de Bactriane, vers 150 avant J.-C., la vallée du Caboul se trouve en Europe, comme Antioche et Alexandrie...
Cette conquête politique, cette hégémonie spirituelle de l'hellénisme dans l'Asie proche, eurent comme conséquence inattendue la pénétration du monde hellénistique par l'esprit oriental. A partir du IIe siècle de notre ère, les religions orientales s'élancent à la conquête du monde romain. L'Empire byzantin ne sera, à bien des égards, que l'iranisation, au point de vue politique, et la sémitisation, au point de vue religieux, de l'Empire romain et de l'esprit grec.
A la pénétration morale de l'Europe par l'Asie s'ajoute, vers le milieu du VIIe siècle, la grande révolte de l'Asie qu'on appelle l'islam. Byzance va lutter pendant plus de deux siècles contre les invasions arabes...
Telles sont les premières étapes de cette histoire de la question d'Orient que René Grousset a entrepris d'étudier dans ce livre qui demeure l'un des plus marquants de son oeuvre.
René Grousset (1885-1952), historien orientaliste et conservateur au musée Cernuschi, était professeur à l'Ecole des langues orientales. Son intérêt pour les recherches des philologues et pour les découvertes archéologiques l'a sans cesse poussé à approfondir sa connaissance des civilisations orientales. Ses ouvrages en sont de remarquables synthèses.