Disparue corps et biens au milieu du XVe siècle, Byzance occupe dans l'historiographie une place paradoxale. Face à la lente construction des sociétés occidentales et du monde turco-musulman, elle apparaît comme une Antiquité continuée, à laquelle la chute de Constantinople, en 1453, mit fin. Elle doit en bonne partie ce statut atypique à la conviction des historiens de la période médiévale que la « féodalité » qui caractérisa l'Occident fut l'exclusivité d'une « Europe fille des invasions ».
Remontant à la source de cette interprétation, Évelyne Patlagean propose un réexamen de l'histoire byzantine des IXe-XVe siècles à la lumière du livre fondateur de Marc Bloch La Société féodale. L'entourage impérial, le milieu aristocratique, l'appareil d'État sont ainsi analysés du point de vue des liens familiaux et sociaux, des engagements de fidélité et de l'organisation des pouvoirs.
La société byzantine apparaît alors sous un jour nouveau, comme une composante à part entière du monde médiéval. Le « Moyen Âge grec » révélé par ce livre redonne sa place à Byzance dans la lente gestation des structures sociales et des pouvoirs issus de la société antique, et fait sortir l'Empire d'Orient de l'obscurité où la cantonnent trop souvent encore les historiens du monde occidental.
Professeur émérite à l'Université Paris-X Nanterre, spécialiste de l'histoire de Byzance, Évelyne Patlagean est notamment l'auteur de Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzance, IVe-VIIe siècle (1977).