Le chercheur qui se lance sur la piste des Templiers peut, très légitimement, se sentir paralysé par son audace tant le sujet a fait et continue à faire couler des flots d'encre, charriant le pire (trop souvent) mais aussi le meilleur. Disons dès l'abord que le travail de L-C Gautier appartient, à l'évidence, à cette seconde catégorie.
Depuis la publication de ses divers travaux - je pense, entre autres, à sa belle étude sur "Les Templiers en Creuse", L-C Gautier a fait la démonstration qu'il appartient pleinement à la corporation des vrais chercheurs - ceux qui méritent le nom d'historiens. Il le prouve une fois de plus dans le livre que vous allez lire. En ayant, tout d'abord, le souci d'éclairer son propos par un rappel synthétique de l'histoire du Temple, avant de se lancer sur les traces laissées par la milice des "pauvres chevaliers" sur le territoire de l'Allier. Et là les choses sérieuses commencent : il faut puiser dans les sources, confronter leurs informations avec les données cartographiques puis, sur le terrain, savoir trier les données de la toponymie, de l'archéologie et des témoignages oraux, tout en utilisant à bon escient les apports, plus ou moins anciens, d'érudits locaux. Toujours avec ce regard critique qui fait l'historien digne de ce nom. Car le matériau réuni par l'enquêteur doit être passé ensuite au crible des vérifications, recoupements, confrontations d'hypothèses, études comparées... Avec - mais c'est aussi cette prudence qui révèle l'historien - parfois la nécessité, au bout du chemin, d'avouer qu'on ne peut être sûr de rien, faute d'indices suffisants. Ce que le profane peut estimer frustrant mais que l'homme de métier sait être partie intégrante de son éthique. De même qu'il est nécessaire, pour toucher du doigt les réalités, de prendre comme champ d'étude un cadre géographique bien délimité : c'est en se penchant sur le territoire d'un département, comme le fait L-C Gautier, que l'on peut espérer compléter, pièce à pièce, ce puzzle ambitieux qui sera peut-être, un jour, une histoire totale de l'ordre du Temple. L-C Gautier apporte donc sa pierre au grand édifice et s'inscrit ainsi dans la tradition des bâtisseurs de cathédrales.
Et la Queste aboutit à identifier des hommes, des lieux et ce qui les relie : à travers les noms des Frères du Temple, à travers la présentation des maisons de l'ordre, L-C Gautier fait revivre ce tissu humain qu'avait su réaliser une institution totalement novatrice puisque prétendant unir la prière, le combat et le travail. Trois fonctions dont la complémentarité devait être source d'harmonie et de plénitude.
On comprend qu'une telle entreprise ait nourri, au fil des siècles, ce que L-C Gautier appelle le légendaire templier. Et qui est en lui-même un fait d'histoire. En effet implantations mythiques et traditions merveilleuses s'inscrivent dans ce qui est reconnu aujourd'hui, par l'histoire des mentalités, comme un territoire auquel doit s'intéresser l'historien et qui s'appelle l'imaginaire. Celui-ci permet de montrer, sur la longue durée, la persistance d'une image qui s'est inscrite durablement dans la mémoire collective : les chevaliers au blanc manteau frappé d'une croix de sang n'ont pas fini de nous faire rêver à un monde où l'honneur et la fidélité avaient un sens.
Louis-Christian Gautier est un historien et essayiste français. Sa carrière fut essentiellement dans la Fonction publique, en Métropole et Outre-mer, avec poursuite d'études supérieures au gré des affectations. En 1963 il fut admis à l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr (concours Histoire-Géographie). En 1973 il obtient une maîtrise en Histoire médiévale (Université d'Amiens). En 1987 il est diplômé de l'Enseignement Militaire Supérieur Scientifique et Technique (Sciences de l'Homme, option Histoire). Fin des années quatre-vingt il se charge de traductions de textes d'anglais militaire au profit de la revue Troupes d'Elite. Début XXIème siècle, il collabore à la revue Aventures de l'Histoire (rédacteur et conseiller éditorial).