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France, département de Meurthe-et-Moselle

Projet BeaucéantLa commanderie de Nancy

Contributeur: Olivier Petit

France, département de Meurthe-et-Moselle, ville de Nancy.

Nancy sur la carte de Cassini
Nancy sur la carte de Cassini
© Carte de Cassini - Gallica (BNF)

Le duc Mathieu 1er de Lorraine(1) et sa femme Berthe de Souabe(2) seraient à l'origine de la venue des chevaliers de l'Ordre de l'Hôpital à Nancy.
En effet, les premiers hospitaliers s'installeront à proximité de la cité ducale sur un terrain concédé par le duc de Lorraine, tout près de l'étang Saint-Jean et du cimetière mérovingien.
En 1147, le duc Mathieu 1er de Lorraine concède aux Hospitaliers des terres, prés, moulin, four situés au-dessous des remparts de la ville ainsi que des droits de prélever une part de tous les grains vendus ("umim molendinum et multa prata et plurimas terras et unum hortum quod infra moenia Nanceii habebant, et insuper les punazs") .
Des droits d'usage dans la forêt de Haye furent également ajoutés à la dotation initiale.

En 1158, le duc et sa femme invitent tous ceux qui le désirent, nobles ou non, à devenir les bienfaiteurs de la toute récente commanderie hospitalière.
Entre 1170 et 1180, tous les bâtiments de la commanderie sont apparemment achevés.
En 1176, le duc octroie le droit aux Hospitaliers de Nancy de prélever 1/32e sur la vente des grains réalisée les mercredi et samedi sous les halles de Nancy.

En 1190, le duc Simon II de Lorraine(3) confirme les donations faites aux Hospitaliers par son père en 1147.
En septembre 1217, la commanderie (et toutes celles de l'Ordre) obtient les mêmes privilèges que les établissements Templiers : le droit de prélever du bois de chauffage et de construction dans les forêts ducales ainsi que de laisser divaguer les porcs dans les sous-bois pour manger les glands, champignons et autres végétaux.

En 1231, Vivien d'Amance remet aux Hospitaliers nancéiens une vigne sise sur ses terres. Les archives mentionnent également que le domaine de la Bouzule, situé sur la commune de Laneuvelotte à l'est de Nancy, avec sa grange était une dépendance de l'établissement.
Le 25 novembre de la même année, le chevalier Aubert de Rosières se dessaisit d'un pré qu'il possédait en faveur de la commanderie de Saint-Jean.

Le 2 novembre 1242, suite aux désagréments et destructions que la commanderie subit, le duc de Lorraine(4) leur donne du bétail (porcs, gélines...), des cens à perpétuité et de l'argent en guise de compensation.
Le 14 juillet 1244, il confirme les biens de la commanderie alors appelée Saint-Jean-du-Vieil-Aître. Ce nom donné à la commanderie rappelle qu'elle se trouvait à proximité du cimetière mérovingien (Aître ou astre signifiant cimetière).
En août 1247, il augmente le domaine de la Bouzule en concédant au frère Morel un pré bordant le ruisseau l'Amezule, situé entre Amance et Champenoux. Ici, les Hospitaliers possédaient une chapelle dédiée à Saint-Jean-Baptiste, qui sera détruite en partie pendant la guerre de Trente Ans(5) mais reconstruite par la suite.
En 1250, il leur renouvelle le droit de prélèvement d'une part de tous les grains vendus sous les halles de Nancy.

Le 11 janvier 1261, la pape Alexandre IV exempte tous les établissements hospitaliers de toute excommunication. Nul ne pouvait jeter l'anathème sur une commanderie hospitalière sans l'accord du pontife.

En mai 1285, le duc Ferry III de Lorraine(6) propose aux Hospitaliers de Saint-Jean-du-Vieil-Aître d'abandonner leurs prétentions sur les salines de Rosières en échange de leur souveraineté sur le village de Mazerules.
Les chevaliers de Saint-Jean-du-Vieil-Aître acceptent volontiers la proposition ducale. Ainsi, ils détiennent désormais le droit de moyenne et basse justice, de prélever le cens sur les habitants de Mazerules.
Le commandeur était également le seul habilité à nommer le maire et les échevins du village. La commanderie de Robécourt dans les Vosges semble alors rattachée à celle de Saint-Jean-du-Vieil-Aître puisqu'elle est mentionnée dans les archives comme disposant des mêmes droits !

En juin 1286, les Juifs sont autorisés à établir leur cimetière à Laxou, à deux pas de la commanderie de Saint-Jean.
C'est Guillaume Pigeon, le grand prieur de l'Ordre des Hospitaliers, qui valide cette installation.
Le 10 juin 1286, le Grand Maître de l'Ordre, Jean de Villiers, approuve le choix de Guillaume Pigeon.
Le duc Ferry III leur emboîte le pas en entérinant la décision du grand prieur le 4 juillet 1286. En contrepartie de leur installation à Laxou, les Juifs devront verser au commandeur de Saint-Jean, un cens d'1 marc d'argent et 12 sous le jour de la Saint-Rémy. L'augmentation de la superficie de ce cimetière juif est même autorisée en cas de nécessité.

Au début 14ème siècle, la commanderie Saint-Jean-du-Vieil-Aître disposait d'un jardin sous les remparts de la cité ducale, de droits sur les halles nancéiennes, de prés et terres aux alentours directs de l'établissement et de chènevières (où étaient cultivé le chanvre), 127 journaux de terres labourables, 59 fauchées de blé, 6 journaux de vignes sur la Cote des Chanoines, des serfs et des droits de vaines pâtures à Laxou et des droits d'usage dans la forêt de Haye.

Avec la suppression de l'Ordre du Temple, une partie des biens templiers tombent dans l'escarcelle de l'Ordre de l'Hôpital.
Ainsi, la commanderie Saint-Jean-du-Vieil-Aître récupére une maison à Cercueil, aujourd'hui Cerville près de Tomblaine, avec des terres arables, chènevières, prés et bois.
A Vennezey, près de Gerbéviller, le commandeur de Nancy était le seul seigneur foncier rendant la moyenne et haute justice et nommant le maire et les officiers de justice. Le jour de la fête de Saint-Étienne, chacun des habitants de Vennezey devaient 14 deniers plus 13 autres par tête de bétail.

Le 11 septembre 1411, le commandeur de Saint-Jean, alors détenteur d'un four banal à Nancy, autorise Louvion Bernefroy, secrétaire du duc de Lorraine, à construire un nouveau four banal près de la porte Saint-Nicolas.
En 1476, au moment de son conflit ouvert avec le duc de Bourgogne et la reconquête de son duché, René II de Lorraine(7) décide d'établir son quartier général non loin de la commanderie Saint-Jean.

A partir de 1504, le commandeur de Saint-Jean-du-Vieil-Aître administre également l'établissement hospitalier Saint-Georges de Lunéville, qui était à l'origine une dépendance templière rattachée après 1312 à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
En 1511, la commanderie Saint-Jean est séparée de celle de Robécourt pour reprendre son indépendance. Les commanderies de Cercueil, Cuite-Fêve, Virecourt, Lunéville et le domaine de Bouzule dépendaient alors de la commanderie nancéienne.
En 1530, l'Ordre de l'Hôpital prend le nom d'Ordre de Malte, au moment où les dirigeants, chassés par les Musulmans de l'île de Rhodes, s'installent sur l'île de Malte.
En 1552, la chapelle de la commanderie accueille les dépouilles des combattants français tombé lors d'une des batailles du siège de Nancy(8) qui s'est déroulée à la Croix du Moutier, au sud de Nancy, entre Ludres et Saint-Nicolas-de-Port.
Le 5 août 1555, le comte Nicolas de Vaudémont(9), par ordonnance faite au gruyer(10) de Nancy, autorise les chevaliers de la commanderie Saint-Jean-du-Vieil-Aître à prélever le bois nécessaire aux réparations de leur établissement.

En 1604, une ordonnance du duc Charles III de Lorraine(11) entérine le droit des chevaliers de Nancy à prélever 1/32° des grains vendus sous les nouvelles halles de Nancy.
Par lettres patentes datées du 17 décembre 1608 et du 28 mars 1618, le duc Henri II de Lorraine(12) exempte la commanderie de toute redevance ordinaire ou extraordinaire ainsi que du droit de loger des gens de guerre et autres.
Le 25 décembre 1615, le duc de Lorraine confirme encore le droit de "punazs" à la commanderie, qui correspondait au droit de prélever une part de tous les grains vendus aux halles de Nancy.
En 1634, le pape Urbain VIII(13), promet d'excommunier toute personne susceptible de porter préjudice aux biens des Hospitaliers de Saint-Jean-du-Vieil-Aître.
En pleine guerre de Trente Ans(14), la commanderie subit les assauts des Suédois, et, en 1633, lors du siège de Nancy par les troupes royales de Louis XIII, une partie des bâtiments de la commanderie sont ruinés.
Au cours du 17ème siècle, la commanderie de Lunéville est supprimée et ses biens remis à la commanderie Saint-Jean-du-Vieil-Aître.
Le 25 juillet 1681, un arrêt du Conseil d'Etat du Roi de France permet le prélèvement de quatre arpents de bois à prendre dans les forêts ducales pour se chauffer.

En 1732, le droit de "punazs" que détenait le commandeur est remplacé par une taxe variant de 800 et 1000 livres.
Le 29 mars 1734, un arrêt de la Cour de Lorraine déboute Louis-Gabriel de Froulay, commandeur de Nancy, au sujet de ses prétendus droits sur les troupeaux de moutons et de brebis situés à Laneveulotte, seigneurie du comte Charles d'Ourches, le véritable détenteur.
En 1738, la commanderie de Virecourt se détache de celle de Saint-Jean-du-Vieil-Aître pour reprendre son indépendance.
En raison d'un édit de la Chambre de Lorraine, daté de 1773, les habitants de la ville neuve de Nancy se sont vus notifier l'interdiction de cuire leur pain à la commanderie Saint-Jean, ce qui impliquera un certain manque à gagner pour les Hospitaliers qui ne recevront plus que 250 livres au lieu des 450 avant la publication de cet édit.

En 1795, l'ensemble de la commanderie est vendue comme bien national.
Vers 1870, la commanderie est transformée en ferme et en 1880, un négociant en vin, Joseph Lionnet, s'en porte acquéreur moyennant la somme de 226 000 livres.

Le 19 janvier 1927, la tour de la commanderie est inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.
Enfin, le 22 décembre 1950, elle devient propriété de la ville de Nancy.

De l'ancienne commanderie hospitalière demeure seulement le clocher de la chapelle. Celui-ci atteint encore 20 mètres de hauteur avec des murs de 70 cm d'épaisseur. Il s'amincit en arrivant au niveau des cloches dont le son sortait des 3 baies géminées en plein cintre dont la colonne centrale supporte un chapiteau en forme de tau.

Que sait-on de la commanderie avant sa destruction quasi complète ?
Au début du 14ème siècle, la commanderie de Saint-Jean-du-Vieil-Aître se composait d'un logis, de bâtiments agricoles, d'une chapelle, d'un pigeonnier et d'un cimetière accueillant les dépouilles des frères hospitaliers décédés.

Les commandeurs de Saint-Jean-du-Vieil-Aître (du 13ème au 18ème siècles) :

  1. Frère Morel en 1247
  2. Frère Martin en 1271
  3. Le Seigneur Rampe en 1296
  4. Frère Jean de Viller en 1299
  5. Frère Aubry en 1318
  6. Gérard de Montigny en 1329
  7. Aubert de Bleuvincourt en 1340
  8. Frère Demange au milieu du 14ème siècle
  9. Jean de Hencourt en 1355-1359
  10. Frère Lambert en 1367
  11. Hugues de Chaligny en 1379-1394
  12. Pierre de Bauffremont en 1402-1422
  13. Gérard de Haraucourt en 1411 (procureur de Pierre de Bauffremont)
  14. Nicole de Laxou en 1422-1429 (gouverneur pour Pierre de Bauffremont)
  15. Gérard Lordemel en 1440-1458
  16. Pierre de Bosrodon en 1468-1486
  17. Pierre de Lesculley en 1498
  18. Pierre de Haraucourt en 1500
  19. Pierre du Châtellet en 1505
  20. Guy le Boeuf de Guillonville en 1528-1530
  21. Pierre Pytois de Chaudeney en 1537
  22. Jean de Choiseul en 1543-1551
  23. Calais de la Barre en 1545-1557
  24. Jean de Trestondant en 1574 (Chambellan et conseiller du duc de Lorraine)
  25. Pierre de Trestondant en 1574
  26. Guillaume de Malain en 1578 (bailli de Morée)
  27. Philibert de Foissy en 1589
  28. Jean-Pierre de Tonge de Noilhan en 1607-1626
  29. Charles de Lorraine en 1630 (dit le Chevalier de Lorraine - Grand Croix)
  30. Antoine Saladin d'Anglure en 1633-1663
  31. Henry de Fussey de Mennessaire en 1667-1683
  32. Denis Brulard en 1686-1694
  33. Gaspard de Metrus Saint Ouain en 1697
  34. Charles de Certaine de Vilmoulin en 1710-1715
  35. Louis Descrots-Duchon en 1715
  36. Antoine de Lagrange de Marcellange en 1723
  37. Louis-Gabriel de Froulay en 1731-1759 (Grand Croix de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, 2 fois général des Galères)
  38. Jacques-Philippe-Gabriel des Barres en 1769-1789 (Grand Croix de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem)
Projet Beaucéant

Notes :

(1)Mathieu 1er de Lorraine, dit le Débonnaire, né vers 1110, mort le 13 mai 1176, fut duc de Lorraine de 1139 à 1176. Il était fils de Simon 1er, duc de Lorraine et d'Adélaïde de Louvain.

(2)Berthe de Souabe, plus précisément Judith-Berthe de Hohenstaufen, née vers 1123 et décédée en 1195, est la fille de Frédéric de Hohenstaufen, duc de Souabe, et de Judith de Bavière et de Saxe. Elle est la sœur de l'empereur Frédéric 1er "Barberousse".

(3)Simon II de Lorraine est né en 1140 et mort le 4 janvier 1207. Il est duc de Lorraine de 1176 à 1205. Il est le fils de Mathieu 1er de Lorraine et de Berthe de Souabe. En 1205 il abdique en faveur de son neveu Ferry II avant de se retirer dans un monastère où il restera jusqu'à sa mort 2 ans plus tard.

(4)Mathieu II de Lorraine est né vers 1193 et mort en 1251. Il est duc de Lorraine de 1220 à 1251. Il est le second fils du duc Ferry II et d'Agnès de Bar. Il succède à son frère aîné Thiébaut 1er à sa mort en 1220.

(5)La guerre de Trente Ans est une série de conflits armés qui a déchiré l’Europe de 1618 à 1648 et avait en toile de fond les problèmes religieux entre catholiques et protestants.

(6)Ferry III de Lorraine est né vers 1240 et mort le 31 décembre 1303 à Nancy. Il est duc de Lorraine de 1251 à 1303. Il est le fils du duc Mathieu II et de Catherine de Limbourg. Il hérite du duché alors qu'il n'a que 11 ans et règne sous la tutelle de sa mère jusqu'à ses 15 ans. En 1255, il se marie avec Marguerite de Champagne, fille de Thibaut IV de Champagne et roi de Navarre.

(7)René II de Lorraine est né le 2 mai 1451 et mort le 10 décembre 1508. Il est le fils de Ferry II, comte de Vaudémont et de Yolande d'Anjou, fille de René Ier, duc de Bar et héritière du duché de Lorraine. Il est duc de Lorraine en 1473, à la mort du duc Nicolas de Lorraine et suite à l'abandon des prérogatives de sa mère sur l'héritage du titre.

(8)Le Siège de Nancy est constitué d'une série de batailles entre l'armée du Duc de Bourgogne Charles le Téméraire et celle du Duc de Lorraine René II. Ce siège débute le 22 aout 1476 et prend fin le 05 janvie 1477 avec la mort sur le champ de bataille de Charles le Téméraire.

(9)Nicolas de Mercoeur ou Nicolas de Lorraine. Il est né en 1524 et mort en 1577. il est le fils cadet du duc Antoine de Lorraine et de Renée de Bourbon-Montpensier. Il est d'abord destiné à la vie ecclésiastique et accède très jeune au titre d'évêque de Metz en 1543. L'année suivante, il devient évêque de Verdun. Il abandonne ses évêchés en 1477, est relevé de ses voeux et prend le titre de comte de Vaudémont et se marie en 1478 avec Marguerite d'Egmont, fille de Jean IV comte d'Egmont et de Françoise de Luxembourg. Une de ses filles, louise, sera reine de France en épousant Henri III en 1575.

(10)Le terme "gruyer" désigne le titre porté à partir du 13ème siècle par un haut personnage chargé de s'occuper des forêts domaniales pour le compte d'un seigneur disposant des droits de Haute Justice. Il est aussi officier de justice pour régler et juger les délits commis dans les forêts de sa juridction. Ce terme sera très longtemps usité en Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine et Bretagne.

(11)Charles III, duc de Lorraine et de Bar, né à Nancy le 18 février 1543 et mort dans la même ville le 14 mai 1608 est le fils de François 1er, filleul du roi de France homonyme, et de Christine de Danemark, nièce de l'Empereur Charles-Quint.

(12)Henri II dit le Bon, né à Nancy le 8 novembre 1563, mort à Nancy le 31 juillet 1624, fut marquis de Pont-à-Mousson, puis duc de Lorraine et de Bar de 1608 à 1624. Il était fils aîné du duc Charles III et de Claude de France, et à ce titre prince héréditaire de Lorraine.

(13)Maffeo Barberini, né à Florence en avril 1568, mort à Rome le 29 juillet 1644, pape sous le nom d’Urbain VIII de 1623 à 1644.

(14)La guerre de Trente Ans est une série de conflits armés qui a déchiré l’Europe de 1618 à 1648 et avait en toile de fond les problèmes religieux entre catholiques et protestants.

Projet Beaucéant

BibliographieProjet Beaucéant

  1. Les commanderies du Grand Prieuré de France
    lien sur archive.org (volume 1 & volume 2)
    Eugène Mannier, 1872
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