Publié grâce à l'aimable autorisation de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais, 1897 Le Bouveret (VS) SUISSE
3. Quels seront donc le fruit et l'issue, je ne dis pas de la milice, mais de la malice; séculière, si celui qui tue pèche mortellement et celui qui est tué périt éternellement ?
Car, pour me servir des propres paroles de l'Apôtre : " Celui qui laboure la terre doit labourer dans l'espérance d'en tirer du fruit, et celui qui bat le grain doit espérer d'en avoir sa part (I Corinth., IX, 10). ".
Combien étrange n'est donc point votre erreur, ou plutôt quelle n'est pas votre insupportable fumeur, ô soldats du siècle, de faire la guerre avec tant de peine et de frais, pour n'en être payés que par la mort ou par le péché?
Vous chargez vos chevaux de housses de soie, vous recouvrez vos cuirasses de je ne sais combien de morceaux d'étoffe qui retombent de tous côtés (a); vous peignez vos haches, vos boucliers et vos selles; vous prodiguez l'or, l'argent et les pierreries sur vos mors et vos éperons, et vous volez à la mort, dans ce pompeux appareil, avec une impudente et honteuse fureur.
Sont-ce là les insignes de l'état militaire? Ne sont-ce pas plutôt des ornements qui conviennent à des femmes? Est-ce que, par hasard, le glaive de l'ennemi respecte l'or? Epargne-t-il les pierreries ? Ne saurait-il percer la soie?
Mais ne savons-nous pas, par une expérience de tous les jours, que le soldat qui marche au combat n'a besoin que de trois choses, d'être vif, exercé et habile à parer les coups, alerte à la poursuite et prompt à frapper?
Or on vous voit au contraire nourrir, comme des femmes, une masse de cheveux qui vous offusquent la vue, vous envelopper dans de longues chemises qui vous descendent jusqu'aux pieds et ensevelir vos mains délicates et tendres sous des manches aussi larges que tombantes.
Ajoutez à tout cela quelque chose qui est bien fait pour effrayer la conscience du soldat, je veux dire, le motif léger ou frivole pour lequel on a l'imprudence de s'engager dans une milice d'ailleurs si pleine de dangers; car il est bien certain que vos différends et vos guerres ne naissent que de quelques mouvements irréfléchis de colère, d'un vain amour de la gloire, ou du désir de quelque conquête terrestre.
Or on ne peut certainement pas tuer son semblable en sûreté de conscience pour de sembles raisons.
(1)Cet usage est défendu aux Templiers par leur règle, chapitre XXVIII. "Ils n'auront aucune étoffe sur leurs boucliers ni sur leurs haches non plus que sur leurs autres armes,:etc." L'or et l'argent sur les mors et sur les éperons leur sont également interdits par le chapire XXVII de la même règle.