Pologne, Voïvodie de Poméranie, à environ 60 km au sud-est de Gdańsk, à 30 km au sud-ouest d'Elbląg, ville de Malbork.
Le développement de la vie laïque, de la cour et des fonctions de l'Etat demandent de grands espaces et de beaux encadrements qui correspondent avec la puissance de l'Ordre et de l'Etat Teutonique. D'un autre côté, des réformateurs dans l'Ordre prêchent pour le retour à la vie monastique et à l'atmosphère contemplative. La réconciliation de ces deux tendances opposées n'est uniquement possible que par la séparation des fonctions monastiques et représentatives. La construction de la partie suivante du château est la solution idéale. L'avant-château initial, de l'autre côté des douves est un endroit spacieux et convenable pour cet investissement. Les communs sont détruits et reconstruits beaucoup plus au nord.
Jusqu'à la fin du 14ème siècle, cet espace ainsi dégagé verra naître la partie du château qui sera appelée par la suite le château-moyen. Les résidences du grand-maître et du grand commandeur, la grande infirmerie, les salles de réception et les logis pour les dignitaires de l'Ordre vont se retrouver dans cette partie du château. Les douves qui se trouvaient autour du château-haut ont été asséchées et forment l'espace où ont été aménagés le cimetière des frères du couvent de Malbork (côté est), le terrain de promenade (côté ouest), le jardin du grand-maître (côté sud) et les dépôts (côté nord). Le château-haut et le château-moyen sont entourés par un mur et de nouvelles douves.
Le château-moyen a une forme de trapèze avec une cour spacieuse au centre. On commence la construction de la partie nord avec une porte d'entrée unique qui la partage en deux. La partie à l'est est destinée au grand commandeur(1) et sa cour. Au premier étage on retrouve leurs appartements et les salles officielles représentatives du pouvoir et de la puissance de l'Ordre. A côté, on aménage le réfectoire, la salle du trésor et la chancellerie. Au rez-de-chaussée, on trouve la boulangerie et la cuisine et dans les caves, les autres communs indispensables. La partie ouest contient l'infirmerie où les frères malades et vieux trouvent asile. On y retrouve également les bains, la chapelle, la cuisine et le réfectoire prévus pour les malades.
L'aile est est érigée en même temps que la partie nord (1320 - 1330). Elle contient les chambres pour les visiteurs et peut accueillir en même temps quelques centaines de chevaliers. A la fin de 14ème siècle, on construit à côté de ces chambres la chapelle de Saint-Barthélemy, destinée aux visiteurs.
Les deux bâtiments les plus importants du château-moyen sont le Grand Réfectoire et le Palais des Grands-Maîtres.
Pour accéder au grand réfectoire, on doit passer par la petite cour séparée de la cour principale par un mur et les bâtiments des bains, de la chancellerie et du puits. Son aspect extérieur ascétique, avec des fenêtres qui font plutôt penser à une église est en contraste avec la décoration intérieure. C'est la plus grande salle laïque dans l'Etat Teutonique, érigée entre 1330 et 1340.
Dans ce réfectoire, 400 chevaliers peuvent se mettre à table, il y a donc de la place pour tous ceux qui viennent d'Europe Occidentale participer aux Croisades contre la Lituanie et les tribus païennes de l'Est. L'Ordre Teutonique a énormément besoin d'eux pour ses conquêtes et il les encourage en leur montrant sa richesse et sa puissance et les enchante par de fastueux banquets.
La voûte en "palmiers" appuyée sur trois colonnes élancées et la lumière qui entre par les grandes fenêtres donne un effet de légèreté et produisent l'impression que les murs n'existent pas et que la voûte se soulève librement au dessus de la salle. Les peintures sur les murs et les sculptures des chapiteaux des colonnes, des clés de voûtes et des consoles en composent la décoration discrète mais très belle.
On apporte les repas de la cuisine située derrière le mur nord du réfectoire. A côté d'elle, se trouve un garde-manger et les appartements du maître cuisinier. En hiver, le réfectoire est chauffé par un système particulier qui pouvait maintenir une température de 20 degrés dans cette salle de 4000 m3 quand dehors il y avait -15 degrés. On chauffe toujours de la même façon 9 salles dans le château-moyen et 3 dans le château-haut.
On peut encore voir aujourd'hui le four de ce système de chauffage, situé en dessous du grand réfectoire. C'est un système qui permettait à l'époque de chauffer au rouge un monticule de grandes pierres qui ensuite restituaient la chaleur pendant plusieurs jours avant d'être complètement refroidies. Cette chaleur était distribuée dans les différentes pièces par un système de canalisations insérées dans les murs et sols des salles.
Pour réguler la température, il suffisait d'ouvrir ou de fermer des clapets métalliques disposés dans le sol des différentes salles.
Le dernier grand investissement est la construction du Palais des Grands-Maîtres, qui se déroule en plusieurs étapes. Il est érigé du côté sud-ouest, près du grand réfectoire. En 1345, c'est une bâtiment très modeste avec une chapelle dédiée à Sainte-Catherine du côté nord. Le 14ème siècle est une période d'or pour l'Ordre Teutonique et les grands-maîtres deviennent aussi importants que les autres souverains européens. Leur petite demeure n'est plus à la hauteur de leurs ambitions ni de leur position. Konrad Zöllner von Rotenstein(2) commence les transformations qui doivent faire de la maison des grands-maîtres une résidence royale comme celles qu'il a vues en Europe.
Pendant les années 1382 - 1393, à côté de ce bâtiment qui existe déjà, on construit un bâtiment rectangulaire avancé vers l'ouest. Ce bâtiment certes confortable et dédié aux représentations officielles est néanmoins un élément du système de fortification de l'ensemble.
La décoration des tours avec des balcons suspendus et appuyés sur des cascades de consoles, des murs avec des arcades profondes, de grandes fenêtres rectangulaires dans des cadres en pierre et la décoration dentelée de la partie supérieure montrent que pour les commanditaires de ces travaux, l'aspect esthétique est le plus important.
Sur la décision de Konrad von Jungingen(3), on agrandit le palais du côté est. La façade ainsi créée reste l'un de plus beaux exemples du style de l'époque.
Le vestibule bas est la première pièce de réception du palais. La voûte d'arêtes est décorée par un beau motif de vigne, qui, au Moyen-Age, est la plus importante au sein des plantes symboliques. Le vestibule haut, éclairé par de grandes fenêtres rectangulaires, donne accès aux pièces les plus importantes pour les réceptions.
Au bout du vestibule, un magnifique portail en pierre mène au réfectoire d'été, la salle la plus belle du palais. Sa voûte radiale (nouveau type de voûte, dont les côtés s'entrouvrent d'une façon rayonnante à partir d'un seul point), soutenue par une colonne centrale, est l'une des plus grandes réalisations architecturales du Moyen-Age. Jadis, les fenêtres étaient remplies de vitraux colorés. Le blanc des murs et de la voûte qu'on voit aujourd'hui est le résultat de la restauration du 19ème siècle, car au Moyen-Age, les murs étaient couverts de motifs végétaux polychromiques sur fond rouge.
Au-dessus de la cheminée, un boulet de canon "polonais" est incrusté dans le mur, souvenir du siège du château juste après la bataille de Grunwald.(4)
A l'époque, le réfectoire d'été a été le témoin de plusieurs festivités et de rencontres, car cette salle remplissait aussi la fonction de salle d'audience. A côté, se trouve le réfectoire d'hiver, moins monumental et plus bas, qui, selon son nom, jouait le même rôle mais pendant la saison froide.
Les appartements du grand-maître occupent la partie nord du bâtiment où se trouve également sa chapelle privée, dédiée à Sainte Catherine. Ces appartements se composent de la garde-robe avec une toilette et une autre petite pièce, de la chambre à coucher, d'une petite chambre réservée au serviteur particulier et des bains avec le système de chauffage et d'alimentation en eau construit en 1414 par Nicolas Fellenstein(5).
Le rez-de-chaussée et les deux niveaux des caves sont occupés par les institutions de l'Etat : la chancellerie, le scriptorium, les archives et les logis de tous ceux qui y travaillent.
(1)Le Grand Commandeur (Magnus Commendator) était l'un des six dignitaires de l'Ordre Teutonique, avec le Grand-Maître, le Maréchal de l'Ordre, le Grand Hospitalier, le Grand Trésorier et le Grand Drapier. Il était le premier adjoint du Grand-Maître et le remplaçait en cas de maladie ou d'absence prolongée. Il n'était pas élu, mais directement nommé par le Grand-Maître en personne. Son siège était à Malbork. Il était chargé de la surveillance des comptes du Grand Trésorier et des affaires militaires du château de Malbork.
(2)Konrad Zöllner von Rotenstein est né vers 1325 et mort le 20 août 1390 à Christburg (Dzierzgoń). Il est Grand-Maître de l’Ordre Teutonique de 1382 à 1390. Il est cité dans les sources pour la première fois en 1353 en tant que commandeur de Preußisch Mark (Przezmark). En 1368, il devient commandeur de Danzig (Gdańsk) et Grand-Hospitalier, commandeur de Christburg (Dzierzgoń) en 1372 jusqu'en 1382, date de son élection comme Grand-Maître.
(3)Konrad von Jungingen est né vers 1355 et mort le 30 mars 1407 à Malbork. Il est Grand-Maître de l'Ordre Teutonique de 1393 à 1407. Il arrive en Prusse vers 1380; En 1387, il est nommé commandeur d'Ostróda (Osterode). Il est nommé Grand trésorier en 1390 et élu grand maître par le chapitre de l'Ordre, le 30 novembre 1393.
(4)Le 15 juillet 1410, l'Ordre Teutonique est pratiquement anéanti par une armée coalisée menée par le roi de Pologne Jagiełło et son cousin Vytaudas, Grand duc de Lituanie, sur la plaine de Grunwald (Tannenberg), à environ 90 km à vol d'oiseau au sud-est de Malbork. L'armée polono-lituanienne arrive ensuite devant Malbork pour assiéger le château. La forteresse, très bien défendue résiste à ce siège et après plusieurs semaines, les assaillants sont forcés de partir. Mais juste avant ce départ, un dernier boulet de canon est tiré en direction du palais des Grands Maîtres afin d'abattre la colonne centrale pour enterrer sous les décombres l'ensemble des dignitaires de l'Ordre réunis dans cette salle. Mais le boulet rate de peu sa cible et restera incrusté dans le mur en souvenir de cet évènement.
(5)L'origine de Niklaus Fallenstein (Nicolas Fellenstein) est relativement obscure. On sait seulement qu'il est originaire de Coblence et qu'il est né vers 1350. On le retrouve cité pour la première fois dans un document en 1392, lorsqu'il devient citoyen de la ville de Gdańsk. En 1400, il entre au service de l'Ordre Teutonique en tant que maître d'oeuvre et s'installe à Malbork (Marienburg). Il est plus que probable qu'il ait participé aux travaux d'agrandissement du château de Bytów (Bütow) ainsi qu'à Malbork (Marienburg).