Projet Beaucéant   Livre de Saint-Bernard aux Chevaliers du Temple

Louange de leur Nouvelle Milice

Publié grâce à l'aimable autorisation de l'Abbaye Saint Benoît de Port-Valais, 1897 Le Bouveret (VS) SUISSE

  1. Avertissement
  2. Prologue
  3. Chapitre 1 - Louange de la nouvelle milice
  4. Chapitre 2 - De la milice séculière
  5. Chapitre 3 - Des soldats du Christ
  6. Chapitre 4 - Vie des soldats du Christ
  7. Chapitre 5 - Le Temple - page actuelle
  8. Chapitre 6 - Bethléem
  9. Chapitre 7 - Nazareth
  10. Chapitre 8 - Le mont des Oliviers et la vallée de Josaphat
  11. Chapitre 9 - Le Jourdain
  12. Chapitre 10 - Le Calvaire
  13. Chapitre 11 - Le Sépulcre
  14. Chapitre 12 - Bethphagé
  15. Chapitre 13 - Béthanie
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CHAPITRE V - Le temple

9. Il y a à Jérusalem un temple où ils habitent en commun; s'il est bien loin d'égaler par son architecture l'ancien et fameux temple de Salomon, du moins il ne lui est pas inférieur en gloire.
En effet toute la magnificence du premier consistait dans la richesse des matériaux corruptibles d'or et d'argent et dans l'assemblage des pierres et des bois de toutes sortes qui entrèrent dans sa construction; le second; au contraire, doit toute sa beauté, ses ornements les plus riches et les plus agréables, à la piété, à la religion de ses habitants et à leur vie parfaitement réglée; l'un charmait les regards par ses peintures; mais l'autre commande le respect par le spectacle varié des vertus qui s'y pratiquent et des actes de sainteté qui s'y accomplissent.
La sainteté doit être l'ornement de la maison de Dieu (Psalm. CXCII, 5), qui se complaît bien plus dans des moeurs régulières que dans les pierres les mieux polies, et préfère beaucoup des coeurs purs (a) à des murailles dorées.
Ce n'est pourtant pas que tout ornement extérieur soit banni de ce temple, mais ceux qu'on y voit ne consistent pas en pierres précieuses, ce sont des armures, et au lieu d'antiques couronnes d'or les murs sont recouverts de boucliers; partout, dans cette demeure, les mors, les selles et les lances ont pris la place des candélabres, des encensoirs et des burettes; toutes preuves évidentes que ces soldats sont animés pour la maison de Dieu, du même zèle dont se sentit si violemment enflammé leur premier.
Maître lui-même lorsque, armant jadis sa main sacrée, non d'un glaive, mais d'un fouet qu'il avait composé de petites cordes, il entra dans le temple, en chassa les marchands, y jeta à terre l'argent des changeurs et y renversa les sièges de ceux qui y vendaient des colombes, trouvant tout à fait indigne que la maison de prière fût souillée par la présence de tous ces trafiquants (Joan., II, 15 ).
A l'exemple de son chef, cette armée dévouée jugeant qu'il est bien plus indigne et bien plus intolérable encore de voir les saints lieux profanés par la présence des infidèles que par celle des marchands, a fixé sa propre demeure dans le lieu saint avec ses chevaux et ses armes, et, après avoir éloigné ainsi que de tous les autres lieux saints les infidèles dont la présence les souillait et la rage les tyrannisait, ils s'y livrent maintenant, le jour et la nuit, à des occupations aussi honnêtes qu'utiles.
Ils honorent à l'envi le temple de Dieu par un culte plein de zèle et de vérité, et ils y immolent avec une inépuisable dévotion, non pas des victimes semblables à celles de la loi ancienne, mais de vraies victimes pacifiques, qui sont la charité fraternelle, une obéissance absolue et la pauvreté volontaire.

10. Pendant que ces choses se passent à Jérusalem, l'univers entier sort de sa léthargie, les îles écoutent, les peuples les plus lointains prêtent l'oreille, l'Orient et l'Occident bouillonnent, la gloire des nations déborde comme un torrent, on dirait le fleuve au cours impétueux qui réjouit la cité de Dieu.
Mais ce qu'il y a de plus consolant et de plus avantageux, c'est que la plupart de ceux qu'on voit, de tous les pays, accourir chez les Templiers, étaient auparavant des scélérats et des impies, des ravisseurs et des sacrilèges; des homicides, des parjures et des adultères, tous hommes dont la conversion produit un double bien et par conséquent cause une double joie; en effet pendant que, d'un côté, par leur départ, ils font la joie et le bonheur de leur propre pays, qu'ils cessent d'opprimer; de l'autre, ils remplissent d'allégresse, par leur arrivée, ceux à qui ils courent se réunir, et les contrées qu'ils vont couvrir de leur protection.
Ainsi en même temps que l'Egypte se réjouit de leur départ, la montagne de Sion est également dans le bonheur et les filles de Juda se félicitent de leur protection : l'une est heureuse de ne plus se sentir sous leur bras oppressif et l'autre se félicite de voir son salut entre leurs mains.
Tandis que la première voit avec satisfaction s'éloigner d'elle ceux qui la dévastaient cruellement, la seconde accueille en eux, avec empressement, ses plus fidèles défenseurs, de sorte que ce que l'une perd pour son plus grand bonheur tourne à la plus grande consolation de l'autre.
Voilà comment le Christ sait se venger de ses ennemis ; non-seulement il triomphe d'eux mais il se sert d'eux pour s'assurer un triomphe d'autant plus glorieux qu'il réclame une plus grande puissance.
Quel plaisir et quel bonheur, de voir d'anciens oppresseurs se changer en protecteurs, et celui qui de Saul persécuteur sut faire un Paul prédicateur de l'Evangile (Act., X, 15), changer ses ennemis en soldats de sa cause!
Aussi ne suis-je point étonné que la cour céleste, comme l'affirme le Sauveur lui-même, ressente plus de joie de la conversion d'un pécheur qui fait pénitence que la persévérance de plusieurs justes qui n'ont pas besoin de pénitence, puisque la conversion d'un pécheur et d'un méchant est la source de biens plus grands que les maux dont son premier genre de vie avait été la cause.

11. Salut donc, sainte Cité, dont le Très-Haut s'est fait à lui-même ns un tabernacle, toi, en qui et par qui une telle génération d'hommes fut sauvée.
Salut, Cité du grand Roi, où depuis les temps les plus recalés, le monde n'a presque jamais cessé de voir se produire de nouvelles et consolantes merveilles.
Salut, Maîtresse des nations, Princesse des provinces, Héritage des Patriarches, Mère des Prophètes et des Apôtres, Point de départ de notre foi, Gloire du peuple chrétien ; Dieu a permis que dès le principe tu fusses presque constamment assaillie par tes ennemis, afin que les braves trouvassent, à te défendre, une occasion, non-seulement de montrer leur courage, mais encore de sauver leurs âmes.
Salut, terre de la promesse, où jadis le lait et le miel ne coulaient que pour ceux-là seuls qui habitaient dans ton sein, qui maintenant encore prodigues des remèdes de salut et des aliments de vie à l'univers entier.
Salut, dis-je, terre bonne, excellente, toi qui as reçu dans ton sein d'une extrême fécondité, une céleste semence de l'Arche du coeur du Père de famille; tu as donné d'abord une moisson de martyrs et tu n'as point laissé ensuite, du reste des fidèles, de faire produire à ton sol fertile jusqu'à trente, soixante et même cent pour un sur la face de la terre entière.
Aussi tous ceux qui ont eu le bonheur de se rassasier de tes innombrables douceurs et de s'engraisser de ton opulence, s'en vont proclamant partout le souvenir de ton abondance et de tes délices, racontant jusqu'au bout du monde, à tous ceux qui ne t'ont pas vue, ta gloire, ta magnificence et toutes les merveilles que tu renfermes dans ton sein.
On rapporte de toi, ô Cité de Dieu, des choses glorieuses (Psalm., LXXXVI, 3).
Mais il est temps que moi aussi je redise à ta louange et à la gloire de ton nom quelques-unes des délices dont tu es remplie.

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Notes :

(1)Telle est la leçon du manuscrit de la Colbertine; les autres présentent en cet endroit une légère variante.

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