Pologne, Voïvodie de Poméranie, à environ 60 km au sud-est de Gdańsk, à 30 km au sud-ouest d'Elbląg, ville de Malbork.
L'acte de la création de la ville de Malbork est daté de 1274. Les Teutoniques ont choisi soigneusement le terrain au bord du fleuve Nogat sur une position stratégique pour la conquête de la rive ouest et slave de la Vistule. La construction du château a débuté en 1275, et en 1281, elle est déjà tellement avancée que le commandeur de Zantyr déménage à Malbork.
L'ensemble du château est créé par étapes successives de 1275 jusqu'à la moitié du 15ème siècle.
Au début, il se compose du château conventuel, appelé château-haut et de l'avant-château avec les communs. Plus tard, ce dernier sera transformé en château-moyen avec une partie résidentielle et les communs seront déplacés plus au nord en formant une troisième partie, le château-bas.
Les parties principales du château sont prêtes vers 1350. Entouré par de vastes fortifications, le château occupe un terrain pratiquement rectangulaire d'environ 20 hectares : il s'étend sur environ 800 mètres du nord au sud et sur presque 250 mètres d'est en ouest.
La rivière Nogat à l'ouest et les marais des Wielkie et Małe Zuławy au nord et à l'est forment des protections naturelles autour du château.
La ville de Malbork en elle-même se développera du côté sud de la forteresse.
Les Teutoniques quittent le château de Malbork définitivement avant la fin de la guerre de 13 ans(1), en 1457.
Jusqu'en 1772, il reste entre les mains des rois polonais.
Lors du départ des Teutoniques, la ville est intégrée dans la région de la Prusse Royale et devient l'une des principales forteresses polonaises de cette région.
Les Polonais n'effectuent pas tout de suite de changements dans le château. Les rois polonais résident dans le "Palais des Grands-Maîtres" pendant leurs séjours dans la région et le réfectoire reste l'endroit des festivités et des rencontres politiques très importantes. Avec le temps, le château haut perd sa fonction monastique et devient un énorme dépôt. Les bâtiments du château moyen sont aménagés pour le confort du nouveau propriétaire.
Le 16ème siècle passe sous le signe des premiers conflits avec la Suède, dans le cadre de la Guerre de 30 ans(2) et le château ainsi que la ville tombent entre les mains du roi suédois Gustav Adolf en 1626.
Pendant le siège suédois, le bombardement fait beaucoup de dégâts, surtout dans la basse-cour du château, les tours, le grand dépôt de blé et l'armurerie sont gravement endommagés.
Le château revient à la Pologne en 1635 en état de ruine et l'incendie du château haut en 1644 achève sa destruction.
Pendant les 4 années suivantes, le staroste(3) polonais Gérard Denhoff(4) reconstruit le château. Sa mort arrête les travaux. Le château n'est plus la grande forteresse de la Pologne, ses murs extérieurs sont démolis systématiquement et son importance militaire baisse considérablement.
Dans les années 1650, les Jésuites arrivent à Malbork et adaptent le château pour leurs besoins. Ils n'utilisent que les bâtiments sacrés du château-haut et font des rénovations dans l'église de Notre-Dame.
La construction de l'école monastique de plusieurs étages située entre le chœur de l'église et le château-moyen est le plus grand changement qui modifie le panorama du château, jusque là constant depuis l'époque des Teutoniques.
Après le premier partage de la Pologne en 1772, Malbork entre dans le Royaume de Prusse. Les rois prussiens ont un point de vue très pragmatique sur Malbork. Sa reconstruction entière et son utilisation adéquate sont rejetés tout de suite à cause des frais importants.
Frederic II(5) confie le château à la "Westpreussische Kriegs-und Domanen Kammer" pour une utilisation militaire. Les travaux dans le château-haut et les ailes nord, est et ouest du château-moyen commencent tout de suite et dès 1774, des casernes sont en état d'être utilisées. Mais les conditions de vie sont tellement difficiles que Frederic-Guillaume III(6) décide de leur fermeture et de leur transformation en dépôts à la fin du 18ème siècle.
Les travaux dans le château-haut se poursuivent entre 1801 et 1804. Les Prussiens y abattent tout à l'exception des murs extérieurs. Ils n'épargnent que les caves et l'église. Ils détruisent tous les détails architecturaux de briques et de pierres du Moyen Age, les parquets, les cheminées, les portes et tout l'équipement des salles. Dans les espaces vides, on remet 4 nouveaux plafonds en créant ainsi 5 étages assez bas munis de fenêtres typiques pour les dépôts.
Les fenêtres gothiques sont murées et les murs couverts d'enduit. Le château-moyen subit le même sort. Les ailes nord et est sont transformées en logis d'officiers et par la suite en dépôts de blé pour l'armée.
L'aile ouest du château-moyen subit moins de destructions. Le grand réfectoire, après l'anéantissement du portail, la destruction du parquet et l'aveuglement des fenêtres à l'est, devient une salle d'exercices.
Le "Palais des Grand-Maîtres" est fortement dévasté et on y aménage un atelier de coton. On installe aussi un atelier de tissage dans les appartements royaux. Les réfectoires d'été et d'hiver, aménagés avec un plafond et plusieurs murs en bois, deviennent des logements pour les ouvriers.
Indépendamment des décisions royales qui ont transformé le château en dépôts, le pragmatisme prussien fait chercher d'autres solutions pour les bâtiments qui sont très coûteux pour l'Etat. Un architecte très connu à l'époque, David Gilly(7), présente un programme pour la destruction totale du château et pour la ré-utilisation des matériaux pour la construction de caserne et de dépôts militaires. A cause des frais qui surpassent les revenus prévus, le projet, déjà accepté par le roi, est réalisé négligemment. Ils arrivent quand même à détruire entre autres, quelques tours, l'ensemble de la porte d'entrée, la chapelle de Saint Barthélemy et la porte près de l'église de Saint-Laurent.
Le 13 août 1804, l'ordre royal d'arrêter la destruction arrive et sauve le château de la ruine complète. C'est le hasard et la revalorisation de l'opinion générale sur le Moyen-Age qui portent secours au château au dernier instant. Vers 1800, l'Ordre Teutonique et son Etat en Prusse deviennent un objet de recherche et d'intérêt pour les historiens et les politiciens prussiens. A l'époque des guerres napoléoniennes et du romantisme, l'histoire de l'Ordre est déjà tellement revalorisée que la Croix de Fer a la forme de celle portée par les chevaliers teutoniques sur leurs manteaux.
Dans les années 1820, les archives teutoniques gardées à Königsberg deviennent accessibles pour les chercheurs qui les répertorient et les réunissent dans la "Germaniae Historica", la plus grande édition des sources moyenâgeuses de l'époque.
A la fin du 19ème siècle, l'Etat de Prusse centralisé commence la reconstruction médiévale du château de Malbork, qui devient un monument national d'Allemagne, alors unie et dominée par la Prusse.
Le château, presque entièrement détruit en 1945 par l'Armée Rouge, a été reconstruit et réhabilité par les efforts conjoints de l'Allemagne et de la Pologne. Il fait partie du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1997.
(1)Il s'agit de la guerre de 13 ans, une nouvelle guerre entre l'Ordre Teutonique et la Pologne de 1454 à 1466. Elle s'est achevée par la victoire de la Pologne et le 2ème traité de Toruń signé par les deux parties en 1466.
(2)La guerre de Trente Ans est une série de conflits armés qui a déchiré l’Europe de 1618 à 1648 et avait en toile de fond les problèmes religieux entre catholiques et protestants.
(3)Un staroste est un haut fonctionnaire et le représentant du pouvoir royal dans une région donnée. Il est nommé et congédié par le roi et gère les forteresses et les domaines qui en dépendent en son nom.
(4)Gerard Denhoff est né vers 1598 et mort en 1648. Il est le fils de Gerard Denhoff et de Małgorzata von Zweiffeln. Il embrasse très jeune une carrière politique qui le mène tout d'abord au titre de président de la Commission royale des navires en 1635, où il travaille au développement de la flotte polonaise. Il devient ensuite châtelain de Gdansk entre 1642 et 1643 avant de devenir voïvode de Poméranie et trésorier de la Prusse royale de 1643 à sa mort en 1648. A partir de 1644, il devient également staroste de Malbork, poste qu'i occupe galement jusqu'à sa mort en 1648.
(5)Frédéric II de Prusse, aussi appelé Frédéric le Grand. Il est issu de la puissante famille des Hohenzollern. Il est né le 24 janvier 1712 à Berlin et mort le 17 août 1786 à Potsdam. Il est le fils de Frédéric-Guillaume Ier "Roi EN Prusse" et de Sophie-Dorothée de Hanovre. Il est le premier à porter officiellement le titre de Roi DE Prusse. Il hérite de ce trône en 1740 à la mort de son père. Il est également Prince-électeur de Brandebourg et Prince de Neuchâtel.
(6)Frédéric-Guillaume III de Prusse est né le 3 août 1770 à Potsdam et mort le 7 juin 1840 à Berlin. Il est le fils du roi de Prusse Frédéric-Guillaume II et de Frédérique-Louise de Hesse-Darmstadt, fille de Louis IX, Landgrave de Hesse-Darmstadt et de Caroline de Palatinat-Deux-Ponts-Birkenfeld. Il est roi de Prusse de 1797 à sa mort en 1840. Son règne sera surtout marqué par les guerres "Napoléoniennes". En 1793, il se marie avec Louise de Mecklembourg-Strelitz, fille de Charles II de Mecklembourg-Strelitz et de Frédérique de Hesse-Darmstadt.
(7)David Gilly, d'origine française et huguenote, est né le 7 janvier 1748 à Schwedt et mort le 5 mai 1808 à Berlin. Il est l'un des architecte les plus célèbres de Prusse. Il devient également directeur de l'académie d'architecture de Berlin.